Une conférence de Presse a été tenue ce jeudi 8 mars 2018 au siège de la Banque Centrale de Tunisie, consacrée à la récente décision de son conseil d’administration de relever son taux d’intérêt Directeur de 75 points. Une rencontre très suivie avec une présence médiatique à la mesure de l’évènement. Le nouveau Gouverneur de la BCT, Marouane El Abassi et une équipe de hauts cadres de l’Institut d'émission ont assuré la présentation de cette mesure, ses raisons et ses répercussions attendues.
Rappelons que la Banque Centrale a décidé le 05 mars, d'augmenter son taux directeur de 75 points de base le portant ainsi de 5% à 5,75%, une mesure inévitable selon El Abassi, vu le niveau alarmant atteint par l’inflation, à 7,1% en février 2018, et les risques d’une spirale non contrôlée. Le numéro 1 de la Banque Centrale a entamé son allocution par un bref retour sur le contexte dans lequel évolue l’économie tunisienne, qui présente des indicateurs « très inquiétants » selon ses termes, notamment, outre l’inflation, un déficit de la balance des paiements à un niveau inédit, dépassant les 10% du PIB, et un commerce extérieurs structurellement déficitaire. En résumé, la BCT, comme tout régulateur monétaire, agit en pompier pour empêcher le feu de se répandre « suite aux erreurs répétitives des décideurs politiques, au manque de responsabilité des décideurs et acteurs économiques et sociaux et au comportement irrationnel des marchés ». Le seul gagnant dans l’affaire à court terme sont les banques qui verront leur marge d’intérêts augmenter pour les mois à venir jusqu’au seuil de rupture du stock des impayés ainsi que les entités et personnes excédentaires en cash.
De son coté, Rym Kolsi, Directrice de la stratégie de la politique monétaire a insisté sur les risques d’une persistance des pressions inflationnistes, alimentées par le glissement du dinar et par conséquent l’inflation importée, la hausse des cours mondiaux, et même les dispositions de la loi de finances 2018 qui a accentué le poids de la pression fiscale sur le consommateur final. L’intervention de la Banque Centrale, sert dans ce sens aussi à atténuer les anticipations négatives. Il faudra maintenant 6 à 8 trimestres pour voir l’inflation évoluer dans le sens escompté par la BCT compte tenu de la hausse du taux directeur, la moyenne de 2018 devrait se situer à 7,2%, a-t-elle estimé.
Plusieurs fois interrogé sur l'impact de la nouvelle mesure sur le financement de l'investissement, El Abassi a rappelé que la mission première de la Banque Centrale est la maîtrise des prix ; il n'est, par ailleurs, pas concevable pour le gouverneur de poursuivre dans la spirale du recours à l'endettement pour financer le déficit. El Abassi a fait remarquer que le taux d’intérêt n’est pas le seul facteur déterminant dans le financement de l’investissement : un des problèmes majeurs selon lui, est l’accès au crédit proprement dit. Ainsi, des secteurs entiers s’en trouvent en effet exclus du fait de leurs situations. d’ailleurs au niveau de l’économie réelle qu’il faudra faire des efforts qui ne sont pas du ressort de la BCT. Le dirigeant a pointé du doigt les anomalies frappantes qui freinent la relance économique en Tunisie, les problèmes d’ordre logistique et le fonctionnement anormal des ports où les délais d’attente deviennent grotesques, le manque de dynamisme des secteurs pourvoyeurs de devises comme le textile qui aurait dû profiter de la forte demande en Europe, ou le tourisme, malgré la récente reprise.
Interrogé sur la récente levée de 600 MD par le Trésor pour une maturité de 91 jours, le Directeur du Contrôle et de l'Analyse des Marchés à la Direction Générale de la Politique Monétaire de la BCT, Mohamed Skima a expliqué qu’il s’agit principalement d’une mesure complémentaire dans le même ordre d'idées que le relèvement du taux directeur. L'émission vise à fournir aux banques des ressources stables sur 3 mois pour rapprocher le TMM du TM. Il a, à son tour, défendu la décision de la BCT de porter son taux directeur à 5,75%, la considérant comme un anticorps pour contrer l’évolution de l’inflation.
Egalement en réponse à un intervenant, Bechir Trabesti, Directeur Général des Réserves et des Marchés à la Banque centrale, estime qu’il n’y a pas de « psychose » sur les stocks de devises, même dans la configuration actuelle où les avoirs nets ont atteint un niveau très bas, à 77 jours d’importation. Il a également invité à une démystification du taux de change qui n’est qu’un simple résultat du contexte économique. Trabelsi a, en outre, défendu la sortie sur les marchés internationaux fin mars, qui interviendra, selon lui, à un très bon moment pour la Tunisie, forte de sa politique budgétaire rigoureuse et des réformes structurelles mises en œuvre, d'autant plus que les conditions des marchés sont bonnes avec une abondance de liquidités avant toute intervention de la FED qui pourrait changer la donne.
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