Rétrospective de l'économie tunisienne en 2013: Retour sur une crise qui n'en finit pas.

De l’année 2013, on retiendra un pays dont l’économie reste prise en otage par la fracture politique, les divergences et les chamailleries qui non seulement ont amoché le climat économique et rallongé outre mesure la période de transition et de ce fait affaibli la confiance des agents économiques. A cela s’ajoute la tournure dramatique qu’a connue la scène politique tunisienne très tôt en début d’année : en tout, deux assassinats politiques, des groupes armés qui pullulent dans certaines régions du pays, 13 jours de deuil national et trois premiers ministres. Avec un tel panorama, difficile d’en vouloir aux agences de notations qui ont abaissé trois fois cette année la note de la Tunisie, ni aux institutions internationales dont les derniers rapports concernant notre pays sont de plus en plus alarmants et les prévisions de croissances révisées à la baisse à plusieurs reprises. Le FMI, par exemple, a retardé le déblocage des versements de septembre et de décembre 2013 prévus dans la ligne de crédit de 1,7 milliard de dollars accordée au pays en juin pour soutenir sa transition démocratique, en raison de la situation politique qui prévaut. Le Fonds avait préalablement signalé l’urgence de mettre au point un plan pour maîtriser notamment le déficit budgétaire.


Après la contraction de 1,9% de l’économie nationale en 2011, la Tunisie a pu compter sur le relatif rebond du secteur touristique et des activités minières mais aussi sur les effets de base pour réaliser un retour à la croissance en 2013 à un taux de 3,6% qui laissaient augurer une poursuite de la reprise que le budget de l’Etat prévoyait à hauteur de 4,5%. Le 6 février, les tensions sécuritaires prennent une tout autre ampleur avec l’assassinat de Chokri Belaid, suivi le 25 juillet par un deuxième assassinat politique dont a été victime le député Mohamed Brahmi et par des épisodes tragiques qui ont jalonné l’année, notamment dans la région de Chaambi. Combinés à l’impossibilité d’introduire les réformes économiques pressantes en raison d’une crise politique sans précédent, les risques liés à la situation sécuritaire ont plus que jamais compliqué la donne.


Le dernier communiqué de la Banque Centrale de Tunisie résume une conjoncture inquiétante, évoquant la décélération du rythme des crédits à moyen et long terme, les concours à l’économie se sont rétractés par rapport à fin 2012, passant de 7,8 à 5,8%, un déficit courant toujours élevé malgré une baisse de 6,9 à 6,5% entre 2012 et 2013, ce qui continue de peser sur les réserves de changes, déjà sous pressions.
Les avoirs en devises couvrent 108 jours d’importations contre 114 jours à la fin de l’année 2012. A la fin de l’année, la croissance devrait se réduire à 2,6% ou 2,7%, le taux de chômage aura augmenté de 16,5% selon les derniers chiffres de l’INS et l’inflation sera autour de 5,8 %, en glissement annuel au mois d’octobre. La Banque Centrale précisait toutefois que ce taux cachait une nette accélération du rythme de l’inflation de base (hors prix des produits encadrés et des produits frais) qui a atteint 6,9% au même mois, contre 6,8% en septembre. Par ailleurs, le dinar a enchainé les mauvais records, reculant au plus bas de sa courbe de 12% par rapport à la monnaie européenne, avant de reprendre un peu de terrain dans le dernier tiers du mois de décembre pour revenir à -10,4% par rapport à l’euro.

Les trois principales agences de notation n’ont pas manqué de suivre de près l’évolution de la situation en Tunisie, la dernière publication en date est celle de Moody’s du 02 décembre 2013, avec un nouvel abaissement d’un cran à Ba3 qui relègue notre pays dans la catégorie spéculative, et une note assortie d’une perspective négative, laissant présager une nouvelle dégradation. L’agence souligne surtout l’incapacité du pays à se doter d’institutions politiques stables et viables dans des délais relativement raisonnables, ajoutant qu’une amélioration de la note est improbable en raison de la forte polarisation du paysage politique et de la difficulté de trouver un consensus sur la loi fondamentale du pays pour enfin laisser la voix à la mie en œuvre de réformes économiques à même de s’attaquer au problème structurels et de mettre la Tunisie sur la voix d’une vraie reprise économique solide et durable.


Avant Moody’s, L'Agence de notation Fitch Rating a abaissé la note souveraine de la Tunisie de BB+ à BB- avec des perspectives négatives. La note relative à la capacité de remboursement en monnaie locale a également été abaissée de BBB- à BB avec perspectives négatives. La note à court terme a été maintenue à B. L'Agence justifie sa décision par la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays et la multiplication des attaques perpétrées par des groupes terroristes, dans un climat politique déjà terni par deux assassinats, ce qui paralyse la prise de décision et freine la transition politique. Fitch a révisé à la baisse « ses projections réelles de croissance du PIB en Tunisie à 2,8% en 2013 et 3% en 2014, tandis que l’inflation a augmenté et devrait atteindre 6% en moyenne en 2013. L’agence s’attend à ce que le déficit du compte courant reste élevé à 8,1% du PIB en 2013, et 7,7% en 2014.
Fitch a également souligné les pressions sur la monnaie nationale et la détérioration du déficit budgétaire qui devrait selon ses analystes, dépasser 7% du PIB.


Standard& Poor’s dégradait à son tour la note souveraine de la Tunisie : BB- pour le long terme et B pour le court terme associée à une perspective négative, ce qui fait entrevoir une possible dégradation dans les douze prochains mois. Le déficit budgétaire et des comptes courants du pays devraient, selon S&P, rester au dessus de 5% du PIB jusqu'en 2016 en raison du besoin de recapitalisation des banques et de la faible croissance des exportations. Le PIB par habitant devrait être encore pénalisé par la faiblesse de la demande européenne et un secteur bancaire fragile, ce qui devrait le limiter à environ 1% par an entre 2013 et 2016.


L’année se termine par les longues tractations qui ont abouti au choix d’un nouveau chef du gouvernement, plus ou moins consensuel, qui devra affronter le cumul de chantiers urgents légués par ses prédécesseurs pour peu qu’un dénouement politique survienne sur les questions clés, à commencer par le projet de constitution, qui sera débattu en séances plénières de l’ANC à compter du 3 janvier 2014, consacrées à l’examen du texte article par article. Dans la même semaine, et selon le président de l’ANC Mustapha Ben Jaafar, il y’aurait la mise en place de l’instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) qui permettra de fixer une date pour le prochain rendez vous électoral. L’année 2014 risque de faire les frais des choix politiques controversés, à l’image de la loi de finance fortement critiquée à qui on reproche entre autres l’augmentation de la pression fiscale sur la classe moyenne avec la réduction de 22% du budget de la caisse de compensation. Le projet de loi de finance 2014 table sur une augmentation des recettes fiscales de l’ordre de 7,8%. Le projet de budget de l’Etat qui atteint 28.125 M D, table sur une croissance de 4% en 2014.



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