Le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Marouane El Abbassi, est revenu lors d'un point de presse organisé ce mercredi 20 février 2019, au siège de l'institut d'émission, sur le relèvement de la veille du taux d'intérêt directeur de la BCT de 100 points de base, pour le porter à 7,75%.
Ii s'agit de la troisième hausse du taux directeur depuis début 2018, avec 75 pbs en mars de l'année écoulée, puis 100 pbs au mois de juin. Marouane El Abassi a commencé son argumentaire par un rappel de l'évolution de l'inflation qui a fini 2018 à 7,1%, certes moins que prévu mais toujours loin en dessus des niveau historiques de l'inflation en Tunisie. Le gouverneur a indiqué que le relèvement du taux directeur était “inéluctable”, mais il restait à en préciser l'ampleur. Cette décision est “contre-intuitive” selon les termes du gouverneur, et sans “concertation avec le gouvernement”, dans un souci, également, d’agir de manière indépendante. La banque centrale “gère aujourd'hui la rareté”, étant “l'institution la plus proche de l'économie réelle”.
El Abassi a, par la suite, évoqué le niveau historique du déficit commercial, devenu structurel, à 11,2% du PIB, accentuant le glissement continu du dinar, l'inflation importée et un creusement inédit du déficit de la balance courante.
Le gouverneur de la BCT a aussi parlé des majorations salariales, avec son effet palpable sur l'inflation, sans pour autant lier la décision de rehausser le taux directeur avec les majorations proprement dites.
Dans ces conditions, il était primordial pour la BCT d'anticiper pour parer aux pressions inflationnistes. La hausse de 100 points de base répond à l'impératif de donner un signal clair et d'atteindre les objectifs contrairement aux deux relèvements opérés en 2018, qualifiés d’homéopathiques par le gouverneur de la BCT, surtout à la lumière des prévisions sur l'inflation sous-jacente qui continuera à tirer le taux d'inflation vers le haut.
Le gouverneur de la BCT a insisté sur le coût de la non-action, les mesures prises précédemment, certes insuffisantes, ont tout de même en quelques sortes limité la casse.
Marouane El Abassi a poursuivi sa présentation sur la stabilité financière, qui fait partie des prérogatives de la BCT, et qui a été prise en compte dans la décision d'opérer un nouveau rehaussement du taux directeur.
En définitive, et face aux reproches, dont celle de gêner les flux d’investissements, El Abassi a rappelé que l'objectif premier de la BCT restera de “revenir à des niveaux d'inflation dans la moyenne historique de la Tunisie”. Ceci ne pourrait se faire que si toutes les parties jouent convenablement leurs rôles, en référence à la croissance de l'investissement et de la production nationale. De même, il iest impératif d’augmenter les exportations, surtout avec les difficultés d'agir sur les importations, la Tunisie étant tenue par des engagements internationaux. La Banque Centrale se concentre sur sa mission première, à savoir «tout sauf l'inflation» a insisté le gouverneur. Un taux d'inflation à deux chiffres serait catastrophique pour l'investissement et le pouvoir d'achat.
Le gouverneur a rappelé que la BCT a vu ses niveaux de refinancement flamber ces dernières années, dépassant les 16 milliards de dinars, et qui aurait pu atteindre la barre des 19 ou 20 milliards, n’eussent été les interventions de la Banque centrale.
Interrogé sur sa perception de l'évolution de la situation depuis sa nomination à la tête de l'institut d'émission, El Abassi a rappelé que la période sa nomination coïncidait avec des.négociations très difficiles avec le FMI, dans un.contexte particulier, marqué entre autres par des prix élévés du pétroles. Cela nécessitait plusieurs actions sur les critères quantitatifs et les repères structurels; les actions entreprises ont permis d'améliorer significativement les résultats à ce niveau.
Pour ce qui est des effets attendus sur le système bancaire, relevée par un intervenant, El Abassi s'est montré rassurant à la lumière des stess tests opérés par les services de la BCT.
Sur la question des liquidités en dehors du circuit formel, le gouverneur a indiqué que les estimations de la.BCT, font état de 4 milliards de dinars, dont une bonne partie sur les frontières, utilisée par des citoyens algériens et libyens comme monnaie de transactions et de thésaurisation: un grand travail reste à faire à ce niveau, en plus des travaux sur le decashing qui connaîtra un décollage en 2019. L'application de l'amnistie de change sera d’un grand soutien, offrant une attractivité pour les détenteurs de devises pour rapatrier leurs capitaux en Tunisie, a assuré Marouane El Abassi.
Béchir Trabelsi, directeur général des finances extérieures à la BCT, a pris la parole pour rappeler d'abord que la Tunisie n'est pas un cas isolé: plusieurs pays connaissent des baisses significatives de leurs réserves en devises et de la valeur de leurs monnaies, plus accentuées que celle du dinar, malgré de meilleurs chiffres que la Tunisie, par exemple, en terme de déficit de la balance commerciale. Il a par la suite rappelé les chutes drastiques des revenus de secteurs clés, comme le tourisme et le phosphate. Le rythme des dépenses a, par moments, poussé la BCT à anticiper une baisse des réserves en devises jusqu'à 50 jours d'importation: il a fallu une politique «relationnelle» pour garder des réserves en devises à leur niveau actuel, même s'il reste assez loin du seuil de sécurité.
Pour 2019, les prévisions de la Banque centrale tablent sur une.baisse sous les 7% du taux d'inflation, à 6,9 voire 6,8%, a indiqué Marouane El Abassi.
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