La nouvelle réglementation des chèques limitant la valeur d’un chèque à 30 000 dinars et contraignant les parties prenantes quelle que soit la valeur du chèque au passage par une plateforme électronique va certainement impacter l’activité de certaines catégories de personnes et de commerçants, notamment les petits agriculteurs, les éleveurs, les petits commerçants et les artisans. À cet effet, un projet de loi a été examiné par le conseil des ministres le 10 octobre 2024 portant sur la suppression de l’article 16 de la LFC 2014 dont l’objet concerne la saisie des sommes en espèces égales ou supérieures à 5000 dinars dont l’origine n’est pas justifiée.
Toutefois, les restrictions légales en Tunisie sur les transactions, les paiements et la détention d’espèces ne concernent pas uniquement la saisie des sommes en espèces égales ou supérieures à 5000 dinars dont l’origine n’est pas justifiée. À cet effet, nous reviendrons sur toutes les limitations en matière de transaction en espèces prévues par le cadre législatif tunisien.
La réglementation tunisienne en matière de lutte contre le commerce parallèle et la contrebande et la rationalisation du paiement en espèces couvrent 4 thématiques.
1. La non déduction de l’assiette de l’impôt direct ou de l’assiette de TVA pour les opérations commerciales effectuées en espèces dépassant les 5000 dinars.
2. L’interdiction de la légalisation des signatures des parties aux contrats portant cession à titre onéreux d’immeubles, de fonds de commerce ou de moyens de transport dont le prix est payé en espèces et dépassant 5000 dinars ainsi que l’enregistrement et l’inscription de ces contrats auprès des recettes des finances et auprès des services et organismes publics compétents pour inscrire les biens objet de cession.
3. La saisie des sommes en espèces égales ou supérieures à 5000 dinars dont l’origine n’est pas justifiée ;
4. La lutte contre le blanchiment d’argent et sa répression interdisent aux personnes morales constituées sous forme d’associations ou d’organisations à but non lucratif de s’abstenir de recevoir tout argent en espèces dont la valeur est supérieure ou égale à 500 dinars (cinq cent dinars), même au moyen de plusieurs versements susceptibles de présenter des liens.
Rationalisation des opérations commerciales effectuées en espèces La loi 2013-54 portant loi de finances pour l’année 2014, dans son article 34, a interdit le droit de déduction :
- De l’assiette de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les bénéfices, les charges dont le montant est supérieur ou égal à 5 000 dinars hors TVA et dont la contrepartie est payée en espèces (Art. 14 du code de l’IRPP et de l’IS) ;
- De l’amortissement des actifs dont le coût d’acquisition est supérieur ou égal à 5 000 dinars hors taxe sur la valeur ajoutée et dont la contrepartie est payée en espèces (Art. 15 du code de l’IRPP et de l’IS) ;
- De la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les marchandises, biens et services dont le montant est supérieur ou égal à 5 000 dinars hors TVA et dont la contrepartie est payée en espèces (Article 10 du code de la TVA).
La loi de finances 2014 a planifié l’abaissement progressif du seuil de 20 000 dinars à 10 000 dinars à partir du premier janvier 2015 et à 5 000 dinars à partir du premier janvier 2016.
Par ailleurs, l’article 35 de la loi de finances 2014 a également obligé les personnes qui recouvrent en espèces la contrepartie de la fourniture aux clients de marchandises, de services ou de biens, des montants égaux ou supérieurs à 5.000 dinars à déclarer lesdits montants avec mention de l’identité complète des clients concernés au niveau de la déclaration visée au paragraphe III de l’article 55 du code de l’IRPP et de l’IS. Le non-respect de l’obligation de cette déclaration entraîne l’application d’une amende fiscale administrative au taux de 8 % de la valeur des montants recouvrés (Article 84 quater du code des droits et procédures fiscaux).
Lutte contre le commerce parallèle et la contrebande.
En vertu de l’article 16 de la Loi de finances complémentaire pour l’année 2014 : loi n° 2014-54 du 19 août 2014, les sommes en espèces égales ou supérieures à 10 000 dinars (5000 dinars à partir du 1er janvier 2016) dont l’origine n’est pas justifiée sont saisies sur la base d’un procès-verbal établi par les agents ci-après mentionnés :
- les officiers de la police judiciaire,
- les agents des douanes,
- les agents du ministère chargé des Finances dûment habilités à cet effet.
Les sommes saisies sont déposées, sur ordonnance du procureur de la République et dans un délai ne dépassant pas les 72 heures, à la Trésorerie générale de Tunisie ou à la Trésorerie régionale territorialement compétente.
Les procédures de saisie, de poursuite et de contentieux sont soumises aux dispositions prévues par le Code des douanes.
Rationalisation du paiement en espèces
En vertu de l’article 45 de la loi n° 2018-56 du 27 décembre 2018, portant loi de finances pour l’année 2019, les autorités municipales compétentes ne peuvent (à partir du 1er juin 2019) légaliser les signatures des parties aux contrats portant cession à titre onéreux d’immeubles, de fonds de commerce ou de moyens de transport dont le prix est payé en espèces. Ne peuvent pas également recevoir la
formalité de l’enregistrement et de l’inscription de ces contrats auprès des recettes des finances et auprès des services et organismes publics compétents pour inscrire les biens objet de cession.
Les notaires ne peuvent pas rédiger les contrats ci-dessus visés dont le prix est payé en espèces.
Ne sont pas concernés par cette mesure :
Les contrats dont le paiement en espèces ne dépasse pas 5 000 dinars,
Les contrats rédigés en exécution de contrats de promesses de vente comportant des paiements en espèces effectués avant le 1er juin 2019 et ayant acquis date certaine avant cette date, et ce, dans la limite de ces paiements,
Les paiements en nature ou par tout autre moyen autre que le paiement en espèces effectués au titre des contrats prévus par le premier alinéa du présent paragraphe,
Les ventes par facilité, à condition de mentionner expressément ce mode de paiement dans les contrats y afférents ainsi que les références des lettres de change relatives au règlement de la partie du prix dont le paiement est fractionné. Ces lettres de change doivent être domiciliées ou avalisées par un établissement bancaire ou postal,
Les cas de force majeure empêchant les parties de refaire leurs contrats conformément aux dispositions du présent article.
Toute personne ayant sciemment mentionné, dans les contrats susmentionnés, des références de paiement bancaires ou postales erronées ou usé des manœuvres, et payé la totalité ou partie du prix en espèces dont le montant dépasse 5 000 dinars, est punie d’une amende égale à 20 % du montant payé en espèces, sans que cette amende soit inférieure à 1 000 dinars par mutation (article 84 duodecies au code des droits et procédures fiscaux).
La lutte contre le blanchiment d’argent et sa répression
Enfin, et en vertu de l’article 99 de la loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015,
relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent tel que
modifiée par la loi organique n° 2019-9 du 23 janvier 2019, les personnes morales
constituées sous forme d’associations ou organisations à but non lucratif doivent
adopter des règles de gestion prudentielles et dont notamment : S’abstenir de recevoir tout argent en espèces dont la valeur est supérieure ou égale à cinq cents dinars, même au moyen de plusieurs versements susceptibles de présenter des liens.