Dans un document intitulé "Entre assainissement et relance", l'Union Tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), fait part des ses principales proposition pour la loi des finances 2018, face au contexte caractérisé par des contraintes budgétaires aigües et un besoin urgent de relance économique et d'assainissent des finances publiques, et après les victoires remportées sur le front de la sécurité intérieure et extérieure du pays.
Le document se veut une contribution à la définition des valeurs et d'objectifs chiffrés nécessaires pour "le retour de l'Etat, la lutte contre la corruption, le rétablissement de la valeur travail et l’amélioration tangible et rapide de l'image du pays".
Les objectifs visés à court et moyen termes, tels que décrits par l’UTICA, comprennent entre autres une hausse annuelle des investissements privés de 1 points, pour atteindre 17% du PIB, et des IDE à 4 milliards de dinars à l’horizon 2019. L’exportation des biens et de services devra représenter au moins 50% du PIB en 2019, selon l’UTICA, qui soutient le projet de faire de la Tunisie un pays exportateur d’énergie électrique d’origine solaire vers l’Europe. Parmi les objectifs, il s’agira aussi pour la Tunisie de dépasser le niveau 4 du « Networked Readiness Index » utilisé par le World Economic Forum pour la mesure de la digitalisation des économies, et ce à l’horizon 2019 (contre 3.9 en 2016).Pour la même année, les caisses sociales devront retrouver leur équilibre financier de manière durable.
L'organisation patronale considère que désormais, la recherche d’augmentation des rentrées fiscales par la hausse des taux est contreproductive et est à exclure, il est plutôt indispensable d'élargir les bases d’imposition à l’ensemble des activités et des catégories socioprofessionnelles, sans exclusivité ni privilèges. Il en est de même pour la TVA, un élargissement de l’assiette imposable est préférable à une augmentation des taux.
La conception des lois de finances doit se baser sur un nouveau paradigme, ne doit plus chercher des ressources pour couvrir des dépenses, mais plutôt optimiser les dépenses compte tenu des ressources que le fonctionnement normal de l’économie peut générer et c’est la relance de l’économie qui génèrera plus de recettes, ce qui autorisera plus de dépenses publiques. La restructuration financière d’entreprises publiques, constitue une voie pour soulager le budget de leurs considérables déficits, et également de procurer des recettes nouvelles. Il n’y pas de schémas uniques, mais plutôt du cas par cas.
L’UTICA préconise par ailleurs, de négocier un report total ou au moins partiel des augmentations salariales, vu la situation des finances publiques, en prévoyant si besoin, une compensation par exemple par des droits et des avantages à l’entrée au capital d’entreprises publiques. Il y a également lieu d’opérer une réforme de fond au niveau des caisses sociales, touchant la gouvernance, les paramètres de calcul des prestations et les sources de leur financement de manière à ne pas freiner la création d’emploi.
D’autre part, les dispositions de la loi des finances 2018 devront lever certaines mesures législatives et règlementaires à l’origine des blocages de l’activité économique, de l’investissement et de l’exportation, fait remarquer l’UTICA , qui voit en la fiscalité un moteur de croissance, d’où la nécessité de mesure l’impact sur l’activité économique et sur la recette fiscale future. Aussi, pour élargir la marge de manœuvre de l’Etat en matière d’investissement public, un amendement à loi sur les contrats PPP est nécessaire pour en élargir le champ d’application et introduire la délégation de service public.
En résumé, les principales orientations de la loi de finances 2018, devront avant tout enrayer la tendance qui a conduit à un endettement sans cesse croissant, et le contenir à des niveaux soutenables avec moins de risques sur la souveraineté et l’activité, il s'agit pour l'UTICA d'un " impératif de salut national afin de ne pas hypothéquer l’avenir." Cela nécessite la réduction du déficit budgétaire, l’ajustement par le budget étant préférable à l’ajustement par l’inflation, l'organisation prône un passage en revue des possibilités offertes par les principaux postes de ressources et d’emplois, pour déterminer sur quel chapitre budgétaire il faudra agir pour réduire le déficit budgétaire, et mettre en place une trajectoire réaliste et soutenable du solde budgétaire pour les 3 ans à venir avec indication, dans les grandes lignes, des moyens qui seront mis en œuvre, et la détermination affichée de la respecter, ce qui permettra certainement d’améliorer la confiance des agents économiques. L’UTICA averti toutefois que la résolution « soft » des problèmes devient très difficile, les mesures douloureuses socialement et couteuses économiquement et financièrement sont inévitables.
S’agissant des opportunités d’action sur les ressources budgétaires, l’UTICA fait remarquer que les ressources fiscales classiques offrent très peu de possibilités, sauf à contrarier la croissance économique par des relèvements de taux d’imposition. La centrale souhaite une stabilisation de la pression fiscale à son niveau de 2016 à 20.7%, après une année 2017 exceptionnelle du fait de l’impôt conjoncturel. Il s’agit selon l’UTICA de rechercher de nouvelles sources de financement et d’inverser la logique pour les emplois aux ressources.
Concrètement, l’UTICA considère indispensable l’élargissement des bases d’imposition à l’ensemble des catégories socioprofessionnelles, sans exclusives ni privilèges, pour l’amélioration des rentrées fiscales. Toute hausse des taux d’impôt sur les revenus est exclue par ailleurs, après modification du barème en 2017 consacrant une baisse des taux sur les premières tranches de revenus. Du coté de l’IS, l’UTICA fait remarquer que la Tunisie détient des records en la matière, en sus déjà de la contribution exceptionnelle de 7.5% de 2017. Il s’agit d’un signal très négatif estime la centrale patronale, qui averti que toute augmentation des taux pourrait se traduire par une baisse des rendements. Pour ce qui est de la TVA, l’UTICA recommande également un élargissement de la base imposable plutôt qu’une augmentation du taux et ses effets sur le pouvoir d’achat et les revendications salariales, une augmentation d’un point du taux conduirait à un supplément de recettes de 300 MD environ estime le doucement, un montant qui reste en dessous des enjeux.
Sur le volet fiscal, l’UTICA souligne les strates successives, non coordonnées, voire contradictoires et contre-productives de mesures fiscales introduites à travers les différentes lois de finances, ainsi que divergences entre les règles fiscales et les règles comptables qui entravent la transparence. L’organisation invite à accélérer une mise en œuvre cohérente de la réforme fiscale, le taux d’imposition devrait progressivement rejoindre des taux bas contre un élargissement de la base d’imposition. Une attention particulière aux vrais forfaitaires s’impose en prenant soin d’éviter les amalgames.
Par ailleurs, de nouvelles ressources fiscales peuvent résider dans la restructuration financière d’entreprises publiques, qui permettra en même temps de soulager le budget de leurs considérables déficits. L’UTICA souhaite voire une stratégie transparente et exempte d’ambigüités, où il s’agira de procéder au cas par cas, sans tabous, insiste le document. D’un autre coté, et sauf exceptions, les revenus procurés par les ressources exceptionnelles de la privatisation et des biens confisqués, pourraient être logées dans un fonds pour les générations futures, dédiés à des investissements d’avenir (formation, entreprenariat, PPP, régionalisation, commandes publiques de recherche/innovation, énergies alternatives, stockage de l’énergie…). L’accélération de la lutte contre la contrebande et l’économie informelle à laquelle le secteur privé apporte tout son soutien, insiste l’UTICA, constitue également une autre source de revenus pour le budget.
Au niveau des emplois, l’UTICA estime qu’une part plus substantielle doit être consacrée aux investissements publics générateurs d’externalités positives élevées. Le PPP aurait pu en être un levier. Mais il a été jusqu’à ce jour en deçà des attentes, essentiellement du fait d’une législation inadaptée alors même qu’il recèle d’importantes possibilités. Relativement à la masse salariale du secteur public, et outre le report recommandé par l’UTICA des augmentations convenue en 2017, l’organisation souligne l’impératif de lier les prochaines hausses de salaires à l’amélioration de la productivité et de la situation économique du pays.
Parallèlement, il devient urgent selon l’UTICA de rationaliser les dépenses de compensation. Leur poids nécessite la mise en place de solutions courageuses et urgentes afin de les contenir. Compte tenu de l’extrême sensibilité de cette dépense, elle devra faire l’objet d’un débat franc et éventuellement d’un consensus sur les moyens avec la participation des professions concernées. Il y a lieu de ne pas retarder d’avantage le traitement de cet épineux problème. Un réajustement de certains prix subventionnés est à envisager dès 2018, selon l’organisation. Pour le reste, la mise en œuvre d’une politique contractuelle de développement de filières économiques est une solution alternative qui permet une amélioration progressive de la productivité et autorise par la même une réduction des coûts.
Les subventions du budget de l’Etat aux caisses sociales (500 Md en 2017, et 1900 Md en 2018) soulèvent au-delà du problème du déficit des caisses sociales (CNRPS, CNAM et CNSS) celui du financement de la protection sociale. Plusieurs axes peuvent être avancés pour remédier au déficit actuel des caisses sociales, sans présager des options « politiques » qui pourraient être retenues pour la viabilité à moyen terme du système concernant l’adéquation Version Finale 12 ressources/décaissements par modifications des paramètres des critères. Ils concernent : le recul de l’âge de la retraite, l’amélioration du recouvrement, l’élargissement des cotisants, et surtout la gouvernance des caisses.
En gros, l'UTICA estime qu'il faudra mettre sur le marché dès 2018 un bloc de 20% du capital des entreprises publiques au profit du grand public. A partir de la même année, chaque ministre est tenu de repenser l’organisation de ses actions avec pour objectif de réduire les dépenses de fonctionnement de 7% par an, notamment par la dématérialisation des procédures et non remplacement des 2/3 des partants à la retraite. Les ressources de la caisse générale de compensation devront graduellement être réorientées vers le développement de filières et de leur productivité et la maîtrise de leur coût de manière à rendre, à terme, le recours à cette caisse sans objet. L’UTICA recommande également, de créer en 2018 un fonds public de garantie pour le financement du bas de bilan par les banques au profit des entreprises titulaires de marchés publics et privés enregistrés. La BCT fixerait la part minimum de ce mode de financement dans les crédits à court terme accordés par chaque banque. Une commission mixte Gouvernement-UTICA est proposée, pour régler selon les règles de l’équité les marchés en cours pour tenir compte de la dépréciation du dinar. Par ailleurs, tous les marchés publics doivent prévoir dès 2018 une clause de fluctuation des prix. La centrale patronale réclame d’autre part la possibilité d’acheter des devises à terme, pour toutes les entreprises notamment celles titulaires de marchés publics.
Au niveau de l’Investissement et de l’export, l’UTICA propose la création d’un de 100 millions de dinars pour la promotion des exportations vers de nouveaux marchés, ayant un objectif de 500 millions de dinars par an d’exportation de biens et de services et opérant par des encouragements sur résultats et par des avances sur le projet, ainsi que des GIE (Groupement d’Intérêt Economique), pour promouvoir l’exportation vers l’Afrique de produits et de savoir-faire tunisien. Avec comme objectif d’atteindre une moyenne d’exportation de pas moins de 300.000 tonnes d’huile d’olive à l’horizon 2023, l’UTICA suggère de créer un Conseil Supérieur Oléicole qui regroupe tous les intervenants dans la filière de l’huile d’olive et qui sera chargé de la définition, la mise en place et le pilotage d’une stratégie nationale.
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