La pandémie COVID-19 continue à être une préoccupation majeure à l’échelle mondiale. Le principal défi des autorités en charge des politiques monétaires est de répondre aux répercussions économiques et financières engendrées par la crise sanitaire. Dans ce cadre, j’aimerais vous rappeler que la Banque centrale est fortement attachée à son mandat de préserver la stabilité des prix et de contribuer au maintien de la stabilité financière de manière à soutenir la réalisation des objectifs de la politique économique de l’Etat.
Avant de passer aux décisions du Conseil d’Administration prises lors de sa réunion du 30 septembre 2020, permettez-moi de vous donner un aperçu sur la conjoncture internationale et nationale.
Du côté de la conjoncture internationale, et comme prévu précédemment, l’activité a enregistré, au deuxième trimestre 2020, une forte contraction dans la plupart des grandes économies, en particulier la Zone Euro, notre principal partenaire commercial, dont la croissance a enregistré une baisse sans précédent, de -11,8% (par rapport au trimestre précédent) et de -14,7% (en glissement annuel). Les Etats-Unis ont enregistré la plus forte baisse, de -9,1% (par rapport au trimestre précédent). Cette chute brutale du PIB, ici et là, devrait avoir des répercussions néfastes sur le tissu productif de l’économie mondiale et les facteurs de production (capital et emploi) à court et à moyen terme.
En dépit de ce tableau morose, on relève un certain nombre de signes positifs. En effet, les récentes informations conjoncturelles disponibles indiquent une reprise naissante chez les principales économies, soutenue par les efforts déployés par les autorités monétaires et budgétaires. Les indices de confiance des entreprises et des ménages, établies par l’OCDE, ont atteint, en août 2020, leurs plus hauts niveaux observés depuis le mois de mars 2020, tout en restant en-deçà des réalisations de l’année précédente. Egalement, la BCE a dernièrement revu à la hausse ses prévisions du taux croissance du PIB pour cette année, à -8% au lieu de -8,7% estimé en juin dernier.
Au niveau des prix internationaux des produits de base et des matières premières, les récentes informations font état d’une reprise quasi-généralisée des prix des principaux produits importés par la Tunisie. Les derniers contrats à terme laissent entrevoir une poursuite, quoique graduelle, de cette tendance haussière des prix en relation avec la forte incertitude entourant la durée de la crise sanitaire et ses répercussions sur la demande mondiale.
Sur le plan national, le PIB a enregistré au deuxième trimestre 2020, une chute sans précédent, de -20,4% par rapport au trimestre précédent, tirée, notamment, par la forte baisse de sa principale composante, à savoir les services marchands, de -28,8% (par rapport au trimestre précédent). Les derniers indicateurs conjoncturels disponibles indiquent un redressent progressif de la production industrielle et des échanges extérieurs. Toutefois, le redressement de l’activité dans le secteur touristique et les services connexes, demeure freiné par la persistance de la crise sanitaire Par ailleurs, l’industrie non-manufacturière, dont une forte composante est orientée vers l’export et donc source d’ajustement de la balance des paiements et des réserves de change, continue d’être fortement fragilisée par la récurrence des troubles sociaux.
Le package de mesures prises en matière de politique monétaire depuis mars 2020 a permis non seulement d’apporter la liquidité nécessaire aux banques comme en témoigne l’absence de tensions sur le taux du marché monétaire (TMM), mais aussi de faire face aux perturbations générées par les retombées économiques de la crise de la COVID-19 sur la transmission de la politique monétaire aux taux débiteurs bancaires. Ceci a contribué à soutenir l’activité économique et à mitiger les répercussions financières de la crise sanitaire. Les derniers chiffres disponibles indiquent que la dernière baisse du taux directeur, de 100 pbs (mars 2020), a été répercutée, dans une grande mesure, sur les taux d’intérêt des nouveaux contrats de crédits accordés aussi bien aux entreprises privées qu’aux ménages. L’encours des crédits à moyen et long terme accordés aux entreprises (hors Administration centrale) s’est maintenu sur une tendance haussière graduelle quasi-généralisée (3,4%, en glissement annuel, en juillet 2020, soit le plus haut niveau atteint depuis avril 2019). Également, l’on relève une reprise généralisée des crédits aux particuliers (3,4%, en glissement annuel, soit le plus haut niveau atteint depuis février 2019).
Quant à l’inflation, elle s’est maintenue sur une tendance baissière graduelle, en s’établissant à 5,4% (en glissement annuel), en août 2020, après 5,7% le mois précédent et 6,7% en août 2019. Cette trajectoire désinflationniste a été favorisée par la décélération de l’inflation sous-jacente, laquelle s’est établie à 5,3% en août 2020, soit le niveau le plus bas enregistré depuis fin 2016.
Les récentes prévisions indiquent un redressement graduel de la croissance économique, durant la deuxième moitié de l’année 2020, quoiqu’à un rythme encore faible sous l’effet de la poursuite de la crise sanitaire. Ce redressement ne permettrait de compenser que partiellement la baisse historique de l’activité enregistrée au premier semestre 2020, de -11,9% par rapport au premier semestre 2019.
L’inflation devrait évoluer proche de son niveau actuel dans la période à venir, soutenue par la compensation des effets haussiers (du côté de l’offre) et des effets baissiers (du côté de la demande).
C’est dans ce contexte que le Conseil de l’Administration de la Banque centrale a jugé nécessaire de continuer à renforcer le soutien monétaire à la reprise économique naissante, en décidant de réduire ses taux directeurs de 50 pbs pour les ramener à 6,25% pour les opérations principales de refinancement, à 5,25% pour la facilité de dépôt à 24 heures et à 7,25% pour la facilité de prêt marginal. Cette décision devrait conforter l’assouplissement de la politique monétaire, adopté depuis l’avènement de la crise sanitaire. Cette baisse du taux directeur devrait alléger les charges financières des crédits octroyés aux entreprises et aux ménages, leur permettant de préserver leur solvabilité et de contribuer ainsi à la stabilité financière.
Egalement, la baisse du taux directeur devrait soutenir la demande intérieure avec des perspectives d’une reprise de la demande de consommation. En revanche, le redressement de l’investissement demeure entouré de fortes incertitudes, nécessitant une multiplication des efforts de la part de toutes les parties prenantes pour assurer la stabilité socio-politique et la mise en place des réformes structurelles nécessaires à l’amélioration du climat des affaires, condition sine qua non pour une vraie relance de l’investissement.
Les risques haussiers entourant les perspectives de l’inflation seraient relativement faibles à court terme quoiqu’ils restent actifs à moyen terme. La Banque centrale, tout en demeurant vigilante quant à l’évolution de l’inflation dans la période à venir, n’hésiterait pas à activer tous les moyens à sa disposition pour soutenir l’activité économique et subvenir à ses besoins en matière de liquidité, tout en se conformant à son mandat de préservation de la stabilité des prix.
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