Karthago-Airlines : "Valeur de croissance"
- Compagnie privée spécialisée dans le charter créée en plein marasme post 11 septembre.
- Un business model basé sur la location d’une flotte homogène, sur l’externalisation des charges d’assistance et sur la flexibilité d’un produit destiné aux Tour-Operators (B to B).
- Des clients issus des marchés traditionnels du tourisme tunisien (France, Italie) mais également de nouveaux marchés prometteurs (Tchéquie).
- Une forte saisonnalité de l’activité sur les trois mois d’été qui devrait être atténuée grâce à la recherche de nouveaux marchés.
- Une forte rentabilité avec des bénéfices dès la première année d’activité et un ROE 2004 de 43%.
- Un bilan sans endettement avec plus de la moitié de l’Actif sous forme d’actifs financiers.
- Des perspectives corrélées à l’évolution d’un des principaux pan de notre économie : le tourisme.
- Un contexte 2005 défavorable en matière de change et de prix du kérosène qui est partiellement répercuté sur le client final.
- Un contexte 2005 favorable en matière d’évolution de la saison touristique.
- Une valorisation par les méthodes prospectives mieux adaptées au profil de start-up de la compagnie et à son business model.
- Une valorisation patrimoniale rendue peu significative comte tenu d’un business model dont le principal « outil de production » est incorporel : sa licence d’exploitation.
- Un prix d’introduction qui équivaut à un P/E 2005e de 8.5x soit une décote de 24% par rapport au marché.
- Une politique de dividende de 60% de pay-out soit un rendement 2005 estimé à 7.1% contre 4.8% pour le marché en moyenne.
- Nous recommandons de souscrire à l’OPV.
L’activité :
Karthago-Airlines (K-A) est une compagnie de transport aérien privée spécialisée dans les vols charter.
La compagnie a été crée en 2001 et effectué son premier vol en mars 2002 soit en plein marasme du secteur aérien post 11 septembre. La mauvaise conjoncture aura toutefois permis à la compagnie de bénéficier de conditions avantageuses dans la location de ses appareils. En effet, Karthago-Airlines a dès son lancement opté pour la location d’appareils selon la formule « Dry-lease » dont les contrats s’étalent sur 5 ans.
La flotte de la compagnie était composée en 2004 de 4 Boeing 737-300 ; l’utilisation d’une flotte homogène permet une meilleure optimisation des charges. La compagnie a par ailleurs recours à des affrètements ponctuels durant la haute saison.
Les principales destinations desservies par Karthago-Airlines correspondent à des marchés traditionnels du tourisme tunisien, avec la France (57% des vols) ou l’Italie (15% des vols) ; ainsi qu’à des destinations moins traditionnelles mais qui constituent des niches prometteuses comme la Tchéquie (7% des vols).
La politique commerciale de la compagnie dont les clients sont des Tour-Operators (B to B) est de privilégier des accords pluriannuels en cherchant à établir des partenariats avec les TO à l’image de la relation entre K-A et Nouvelles Frontières (filiale de TUI) sur le marché français.
Avec plus de 10 mille heures de vol en 2004 (+33% par rapport à 2003), KA détient une part de marché de 10.1%. La compagnie a transporté près de 485 mille passagers en 2004 en progression de +32%. Si l’on compare K-A aux autres compagnies tunisiennes, signalons que Tunisair détenait une part de marché de 35% et Nouvelair de 19% en 2004.
Le groupe Karthago :
K-A fait partie d’un groupe de sociétés présentes dans divers secteurs d’activité. K-A se situe dans le pôle touristique du groupe qui est également constitué de deux unités hôtelières sous l’enseigne Karthago : Djerba & Hammamet ainsi que d’une agence de voyage Karthago Travel Services.
Karthago Group qui est une société de gestion et d’assistance complète le pôle touristique.
Le groupe est également présent dans l’industrie et la concession automobile (marques Ford et MAN) ; dans la promotion immobilière, dans la communication (Mosaïque FM), dans le courtage en assurances, dans l’agriculture et il possède également des sociétés d’investissement.
Globalement, le chiffre d’affaires 2004 du groupe Karthago a dépassé les 183MDt et dégagé des bénéfices cumulés de près de 15MDt. Le pôle tourisme (K -A inclus) pèse pour près de 59% dans le CA cumulé du groupe. (NB ces chiffres ne sont pas des données consolidées mais des agrégats cumulés).
Les Réalisations 2004 :
Karthago Airlines est une start-up puisqu’elle n’a que trois exercices d’activité. Comme toute société en démarrage, K-A affiche des taux de croissance significatifs pour la plupart de ses indicateurs.
> Un chiffre d’affaires en progression de +47% en 2004 : Avec près de 80MDt de CA, la compagnie a bénéficié de l’amélioration de la conjoncture touristique enregistrée en 2004. Notons que le CA a augmenté plus vite que le nombre d’heures de vols effectuées par sa flotte (+33%) et que le nombre de passagers transportés (+32%) traduisant une augmentation des prix pratiqués par la compagnie.
A périmètre comparable la hausse du prix unitaire par passager transporté est de l’ordre de +8% en 2004. Notons que les retraitements effectués sur le CA concernent l’activité assistance lancée en 2004 ainsi que les « taxes fuel » perçues dans le cadre de la répercussion d’une partie de la hausse des cours du jet -fuel sur le client final. K-A a ainsi pu récupérer 1.2MDt de « taxe fuel » en 2004.
> Un taux de marge brute qui gagne 1.5 point à 39% : Malgré un contexte défavorable en matière de coût du jet fuel ; la compagnie affiche une amélioration de son taux de marge brute. La hausse des prix du carburants est toutefois visible puisque l’achat de carburant représente 31% du total des achats en 2004 contre 25% en 2003.
> Un résultat d’exploitation en hausse de +33% : Avec 67 employés par avion, K-A est en retrait comparativement aux standards des compagnies charter (70-90) ; les frais de personnel de la compagnie représentent 6.4% du CA.
Par ailleurs, la marge d’exploitation de la compagnie tire profit de sa volonté de recourir exclusivement (jusqu’à ce jour) à la location d’avions qui plus est à des conditions tarifaires intéressantes compte tenu du contexte dans lequel les contrats ont été signés. La charge d’amortissement supportée par K-A est donc faible (moins de 1% du CA).
> Un résultat net supérieur au résultat d’exploitation : Autre conséquence de l’absence d’investissement dans l’achat d’avions, KA n’est pas endettée, le résultat financier de la compagnie est positif (+0.3MDt).
En matière de fiscalité, K-A bénéficie du régime des sociétés totalement exportatrices. La compagnie ne paye pas d’impôts sur les sociétés.
Le résultat net 2004 a atteint 3.1MDt en progression de +35%, ce qui correspond à une marge nette de 4%.
> Un bilan constitué pour moitié d’actifs financiers : Le modèle sur lequel est basé K-A aujourd’hui se caractérise par un faible niveau d’investissement et d’immobilisation dans l’outil de production. K-A est une société de services, c’est principalement une licence d’exploitation.
Sur un total bilan de l’ordre de 24MDt, plus de la moitié est consacrée aux actifs financiers : Immobilisations financières (3.3MDt) + placements (6.9MDt) + liquidités (1.8MDt).
Le faible besoin de fonds en l’état actuel des choses s’illustre également par la réduction du capital opérée en 2005 et qui a consisté à ne pas appeler le capital non encore libéré (6MDt sur 12MDt de capital social).
Suite à une incorporation de réserves le capital social a ensuite été amené à 10MDt.
Le modèle de K-A dégage une forte rentabilité. La société a réalisé des bénéfices dès sa première année d’activité (bénéfice 2002 de 939kDt) et le ROE enregistré en 2004 (en ajustant du capital non-libéré) atteint 43%.
La comparaison avec Tunisair :
Naturellement, la publication des chiffres de K-A va donner lieu à des comparaisons entre les données financières des deux compagnies.
Toutefois, il nous semble important de souligner les limites de ces comparaisons :
> Limites parce qu’il ne s’agit pas du même positionnement : 100% Charter pour K-A ; 40% Charter - 60% Régulier pour Tunisair.
> Limites parce qu’il ne s’agit pas du même modèle notamment en matière de gestion de flotte : Tunisair détient ses propres avions.
> Limites parce que les deux compagnies sont de tailles très différentes : 4 avions exploités en 2004 pour K-A contre une trentaine pour Tunisair pour ne citer que cet élément de comparaison.
Nous pouvons toutefois mentionner à titre indicatif quelques éléments comparatifs pour ce qui est des réalisations 2004 des 2 compagnies :
Karthago | Tunisair | |
CA/passager (DT) | 163 | 234 |
Taux de marge brute | 39% | 58% |
Marge d'EBITDA* | 19% | 18% |
Marge nette | 4% | 2% |
Frais de personnel/CA | 6% | 18% |
Frais de carburant / Achats | 31% | 35% |
Amortissement/CA | 1% | 42% |
ROE | 43% | 7% |
*EBITDA retraité des frais de location pour les deux compagnies.
Les perspectives :
Les performances futures de K-A seront fortement corrélées aux perspectives de la destination touristique Tunisie.
En 2005, les indicateurs du tourisme tunisien sont au vert avec des entrées touristiques record d’ores et déjà annoncées. Les 6 premiers mois de l’année ont enregistré une évolution de +15% des entrées touristiques et la haute saison s’annonce sous les meilleurs auspices.
La principale inquiétude pour ce qui est de l’activité du transport aérien réside dans l’évolution défavorable des prix du kérosène. Cet élément exogène sera partiellement maîtrisé grâce à la répercussion d’une surtaxe fuel au client final adoptée par la plupart des compagnies aériennes.
De même l’évolution récente des cours du dollar et de l’euro constitue un élément défavorable aux compagnies tunisiennes. Dans un contexte où le dollar s’apprécie (+10% depuis début 2005) et l’euro se déprécie (-2% depuis début 2005) les compagnies tunisiennes sont pénalisées à l’image de K-A qui réalise 78% de son chiffre d’affaires en euro et qui paie 48% de ses charges en dollar.
Toutefois, il nous semble que l’élément le plus déterminant quant aux perspectives d’activité de K-A demeure l’attractivité de la destination touristique tunisienne.
Avec une augmentation de près de +36% de son chiffre d’affaires sur les 5 premiers mois de l’année 2005, les réalisations de K-A semblent valider les attentes formulées dans son business plan.
En 2005 la compagnie prévoit :
> Une évolution de +23% de son chiffre d’affaires frôlant les 100MDt.
> Un résultat d’exploitation qui devrait plus que doubler à 5.4MDt.
> Un résultat net de 5.7MDt en progression de +82% et qui porterait la marge nette de la compagnie à 5.8%. Ce niveau de résultat correspondra à un ROE de 55%.
Les objectifs à plus long terme de la compagnie sont d’atteindre une part de marché de plus de 15% à l’horizon 2007. Pour se faire, K-A prévoit de renforcer sa flotte d’un appareil par an sur la période 2005-2007 toujours aux mêmes conditions (location sur 5 ans).
L’un des principaux défis de la compagnie consistera à dynamiser son activité en dehors de la haute saison touristique puisqu’à l’heure actuelle 45% de son chiffre d’affaires est réalisé sur les 3 mois d’été. Afin d’atteindre cet objectif, K-A cherche à diversifier ses marchés en prospectant vers des pays qui ne constituent pas la clientèle traditionnelle du produit tunisien : les pays d’Europe de l’Est ainsi que les pays de l’hémisphère sud.
La valorisation :
K-A sera introduite sur la base d’une valorisation de 48MDt. L’évaluation de la compagnie a été réalisée sur la base de méthodes prospectives qui se prêtent mieux au profil de start-up de la société. Les 2 méthodes retenues (Rente du goodwill + Cash flow futurs) ont abouti à une valorisation moyenne qui dépasse les 56MDt. Ces méthodes ont été appliquées avec un taux d’actualisation élevé (14.175%) reflétant la nature cyclique de l’activité de K-A et son profil de start-up.
Compte tenu du modèle sur lequel est basé K-A, l’application des méthodes patrimoniales donne des résultats nettement en retrait par apport aux méthodes prospectives. Ce décalage découle du patrimoine limité de la compagnie (pas d’avion en propriété) dont le principal actif est incorporel : sa licence d‘exploitation. L’actif net réévalué de K-A atteint 10.3MDt.
Les méthodes comparatives sont également à relativiser compte tenu de la petite taille de la compagnie et là encore de son business model. Le fait que K-A procède exclusivement par location d’avions se reflète dans les multiples de cash flow et d’actif net (BV) élevés par rapport à ses pairs.
Moyenne Europe* | Tunisair | Karthago-Airlines | ||||
2004 | 2005e | 2004 | 2005e | 2004 | 2005e | |
P/E (x) | 19.8 | 16.5 | 7.8 | 6.0 | 15.4 | 8.5 |
P/CFPS (x) | 3.4 | 3.2 | 1.1 | 1.0 | 12.2 | 7.6 |
Dividende Yield (x) | 0.4 | 1.5 | 0.0 | 10.0 | - | 7.1 |
Price/BV (x) | 1.2 | 0.9 | 0.6 | 0.6 | 4.7 | 3.8 |
EV/Sales | 0.5 | 0.4 | 0.5 | 0.5 | 0.6 | 0.5 |
EV/EBITDA | 4.4 | 3.9 | 2.9 | 2.7 | 3.0 | 2.5 |
*échantillon : Air France-KLM, Austrian Airlines, British Airways, Easyjet, Iberia, Lufthansa.
source : Deutsche Bank, Tunisie Valeurs.
En termes de multiples boursiers, K-A sera introduite sur la base d’un P/E 2005e de 8.5x décoté de près de 25% par rapport au marché. Du point de vue du rendement en dividende, le management a annoncé une politique de distribution fixée à 60% des bénéfices (pay-out). Pour l’année 2005 (payé en 2006) les investisseurs devraient bénéficier d’un rendement en dividende qui dépasse les 7% contre 4.8% estimé pour le marché dans son ensemble.
Conclusion :
Après avoir enregistré l’arrivée de deux sociétés industrielles solidement installées avec des positions de leader sur leur marché ; la bourse de Tunis s’apprête à accueillir un titre avec un profil très différent. Nous l’avons déjà souligné, Karthago-Airlines est une société jeune qui n’est pas leader sur son marché mais qui affiche des perspectives de croissance intéressantes.
C’est une valeur de croissance.
Notre marché boursier se doit de refléter la réalité de notre économie dont le tourisme est un composant essentiel. Le fait d’accueillir un titre dont l’activité est totalement corrélée à ce secteur d’activité enrichit la cote.
Malgré son jeune âge, K-A affiche déjà des performances appréciables grâce à un modèle adapté basé sur 5 facteurs principaux :
> Un produit flexible et adapté aux besoins des TO
> Un recours à l’externalisation de l’assistance technique et au sol afin de limiter les investissements
> Le recours à une flotte homogène par souci d’économie
> L’optimisation des ressources grâce à un système d’information performant
> Un encadrement mixte mobilisant de jeunes cadres tout en ayant recours à des consultants externes.
La question qui se pose concernant l’introduction de K-A qui a adopté jusqu’à ce jour un modèle faiblement consommateur d’investissement et donc de financement est : pourquoi cette introduction ? Certes la notoriété peut être un argument mais l’objectif principal du marché financier reste la levée de fonds.
Le modèle adopté par K-A a fait ses preuves dans un contexte particulier (surcapacité mondiale en terme de sièges offerts) qui devrait évoluer. La compagnie envisage par conséquent à terme de recourir à l’achat d’appareils basculant ainsi dans un modèle de transporteur aérien plus traditionnel. C’est lors de cette phase de développement que K-A aura plus particulièrement besoin du marché financier.
Compte tenu du profil de valeur de croissance de la société (notre marché en compte si peu) et d’un niveau de valorisation qui se compare favorablement au marché dans un contexte favorable en matière d’évolution de la saison touristique 2005 nous recommandons de souscrire à l’OPV.
De plus, la taille relativement réduite du bloc offert au public (12%) devrait également contribuer au bon parcours du titre.
Source : Tunisie Valeurs ©.