Rétrospective 2024 : Un bon parcours boursier malgré les incertitudes

L'année 2024 laisse un bilan positif dans l'ensemble à la Bourse de Tunis au vu des conditions économiques compliquées, dans un marché peu dynamique mais qui profite des performances financières globalement bonnes des sociétés cotées en 2023, et leur distribution généreuse de dividendes. Le résultat net 2023 des sociétés cotées a progressé de 11,5% l'année dernière, à 2,6 milliards de dinars, poussé par les bénéfices des banques, en hausse de 8,5%, et de l'agroalimentaire de 32%. Sur les 9 premiers mois de  2024, Les indicateurs d’activité des sociétés cotées font ressortir un revenu global en hausse de 3,6% par rapport à la même période de l’année précédente, pour atteindre 17 milliards de dinars contre 16 milliards de dinars.
 
Le Tunindex tourne la page de 2024 avec une performance bien meilleure que l'année précédente, soit 13,75%, contre 7,5% en 2023. Estimé en Dollar, le Tunindex a enregistré une hausse de 9,5% et estimé en Euro, il s’est apprécié de 16,3%. La référence du marché a eu un parcours hésitant en début d'année, avant de prendre une trajectoire haussière à la mi-février, jusqu'à frôler début octobre le seuil historique des 10 000 points. Le benchmark a été freiné dans son élan après la parution du projet de loi de finances 2025. L’indice a subi sa plus forte baisse de l’année, -1,56%, à l’issue de la séance du 18 octobre, en réaction à certaines dispositions du PLF publiées la veille, qui prévoient notamment l'instauration de taux d'imposition progressifs en fonction du chiffre d'affaires annuel réalisé hors taxe et selon la nature de l'activité. Sur l’ensemble du mois d’octobre, l’indice principal avait perdu 0,95%. 
 
A la clôture de 2024, la capitalisation boursière du marché a enregistré une hausse de 8,2% correspondant à 2 005 MD, pour s’établir à 26 467 MD contre 24 462 MD à la fin de l’année 2023, et ce malgré la radiation de la cote de quatre sociétés (de faible capitalisation) durant cette année (SERVICOM, ELECTROSTAR, GIF et MIP). La capitalisation boursière détenue par les étrangers, qui demeure essentiellement stratégique, a légèrement augmenté de 2 MD en 2024 pour passer à 5 188 MD représentant 19,6% de la capitalisation globale du marché contre 5 186 MD et une part de 21,2% en 2023.
 
Le top 5 des valeurs les plus performantes durant l’année 2024 sont MPBS qui a clôturé l’année sur un rendement de 131,5%, suivi de SOTETEL avec 108,1% et LAND’OR avec 72,5%, en plus de deux institutions financières, SPDIT-SICAF avec 51,2% et Hannibal Lease avec 48%. Trois actions bancaires ont clôturé l’année sur des hausses de cours assez remarquables ; Amen Bank : +37%, BIAT : +23% et Attijari Bank : +21,4%, et deux autres grosses capitalisations terminent sur une belle note positive, surperformant le Tunindex ; Délice Holding avec +42,6%, et PGH +18,3%. 
 
La Bourse de Tunis a donc salué la résilience dont a fait preuve le secteur privé face à la situation économique. On perçoit toutefois la vigilance des investisseurs, qui s'ajoute à l’assèchement des liquidités, dans la contraction des volumes. Le marché a drainé au total 1 767 MD contre 1 819 en 2023, soit une baisse de 2,9%. Le volume quotidien moyen a reculé de 7,2 à 7 MD. La croissance faible, l'inflation et les taux d'intérêts élevés ont nourri l'incertitude malgré les bons résultats des sociétés.
 
Selon les dernières estimations issues des comptes nationaux trimestriels, publiées par l'INS, le Produit Intérieur Brut (PIB) en volume, corrigé des variations saisonnières, a enregistré une croissance de 1,8% sur un an au troisième trimestre 2024, soutenue principalement par la demande intérieure. En rythme annuel, la croissance a atteint 1%. Le secteur agricole a enregistré une nette amélioration au troisième trimestre, avec une croissance de 10,6% de sa valeur ajoutée en glissement annuel, et a contribué à hauteur de 0,83 point de pourcentage au taux de croissance global du PIB. L'industrie a reculé de 1,5% au troisième trimestre, impactée par le net repli, -19,8%, de l'industrie extractive.
 
Après avoir enregistré une stabilité durant trois mois successifs à 6,7%, le taux d’inflation a repris, en novembre 2024, la tendance baissière graduelle pour se situer à 6,6%. Cette légère détente de l’inflation a été favorisée, particulièrement, par la baisse de l’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés) qui s’est établie à 5,8% en novembre 2024 contre 6,4% un mois auparavant, en raison, notamment, de la baisse notable des prix à la consommation de l’huile d’olive (-3,1% contre +16% le mois précédent). En revanche, un renforcement a marqué l’inflation des produits alimentaires frais qui a atteint 14,1% (en G.A.) en novembre 2024, après 13% le mois précédent. 
 
La trajectoire future de l’inflation reste entourée de plusieurs risques haussiers. Elle serait tributaire de l’évolution des prix internationaux des produits de base et des matières premières et de la capacité à gérer les déséquilibres des finances publiques. Selon la Banque Centrale, le taux d’inflation devrait se situer à 7% pour l’ensemble de l’année 2024 avant de revenir à 6,2% en 2025.
 
L'économie tunisienne a subi en 2024 le ralentissement économique en Europe qui absorbe 70% des exportations tunisiennes. La France, premier partenaire commercial de la Tunisie, est quasiment à l’arrêt en cette fin d’année 2024. L’Italie, deuxième partenaire majeur de la Tunisie, table désormais sur une croissance divisée par deux par rapport à une prévision initiale qui pourtant n'était guère optimiste (0,5% vs 1,0%). L’Allemagne, première économie de l’union monétaire, est quant à elle en récession.
 
Selon les dernières prévisions, la croissance du PIB tunisien en 2024 devrait se situer à 1,2% selon la Banque Mondiale, alors que le FMI table sur une croissance de 1,6% après avoir anticipé antérieurement un taux de 1,9%. 
 
Notons qu'en septembre, l'agence de notation Fitch Ratings a relevé la note de défaut émetteur à long terme de la Tunisie de « CCC » à « CCC+ ». L'agence américaine avait exprimé sa confiance dans la capacité du pays à répondre à ses importants besoins de financement budgétaire et souligne l'amélioration de la position extérieure du pays. Les besoins de financement budgétaire s'élèveront à 18 % du PIB en 2024 et resteront supérieurs à 14 % du PIB sur 2025-2026 selon l'agence de notation. Ce chiffre est bien supérieur à la moyenne de 9 % pour la période 2015-2019 et est à un des niveaux les plus élevés parmi les pays pairs notés « CCC+ » et moins. Les besoins de financement élevés découlent d’importants déficits budgétaires persistants et des échéances élevées de la dette intérieure et extérieure à long terme, qui s’élevaient à environ 11 % du PIB en 2024.
 
 
 
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