Après avoir achevé sa transition politique et surmonté les effets de la crise économique internationale, la Tunisie est désormais en bonne posture pour mener à terme la transformation économique nécessaire à une croissance durable et généralisée qui profite à l’ensemble de ses citoyens. Les défis et les revers ne manqueront cependant pas : à preuve le terrible attentat perpétré au Musée du Bardo de Tunis la semaine passée.
Berceau du Printemps arabe, la Tunisie n’a ménagé aucun effort pour devenir un modèle de stabilité et de démocratisation. Ces quatre dernières années, j’ai eu le privilège de m’y rendre à intervalles réguliers de quelques mois, alors que le pays traversait une difficile période de transition économique et politique. J’ai donc pu être témoin de sa transformation. Au cours de ma dernière visite, il y a trois semaines, j’ai rencontré le Président Caïd-Essebsi, le Premier Ministre Essid et son équipe économique, ainsi que des parlementaires et des représentants des syndicats et des entreprises. Nos discussions ont renforcé ma conviction que deux éléments essentiels vont façonner l’avenir économique de la Tunisie : premièrement, les indéniables atouts liés à une population formée, à des chefs d’entreprise talentueux et à une tradition d’ouverture économique; et, deuxièmement, la nécessité de mener à bien des réformes importantes pour exploiter ce potentiel, créer de meilleurs emplois et promouvoir une prospérité partagée.
Face à une conjoncture internationale difficile, aux retombées des conflits régionaux et à une situation intérieure délicate, marquée par des troubles sociaux et des craintes sécuritaires, la Tunisie est parvenue à préserver sa stabilité économique. De fait, depuis 2012, l’économie affiche des taux de croissance positifs d’environ 2,5 %, l’inflation est maîtrisée à 5 % et les réserves de change sont restées au-dessus du seuil critique de 3 mois. Les résultats sont loin d’être modestes, mais ces taux de croissance ne suffiront pas à faire baisser le chômage et à répondre aux aspirations du peuple tunisien.
Quels types de réformes faudra-t-il donc engager pour que les Tunisiens vivent mieux? Ce seront les réformes qui permettront à l’économie de s’affranchir du modèle actuel centré sur l’État, et au secteur privé d’exploiter son potentiel. Les investisseurs, tunisiens et étrangers, qui se sont maintenus dans l’expectative, doivent recevoir les encouragements voulus pour aller de l’avant. L’investissement public doit donner un coup de pouce en ce sens, notamment dans les régions de l’intérieur traditionnellement négligées. La chute des cours du pétrole donne l’occasion d’accroître la marge de manœuvre en matière de dépenses publiques pour ainsi répondre aux priorités sociales et mettre à niveau les infrastructures.
Pour promouvoir l’investissement privé il faut également améliorer la gouvernance, accroître la transparence de l’État, rendre le climat des affaires propice, disposer d’un système bancaire sain et offrir des dispositifs de protection sociale solides en faveur des couches vulnérables de la population. Le gouvernement tunisien a déjà engagé d’importantes initiatives dans tous ces domaines et plusieurs textes de loi ont été déposés au nouveau parlement dans le but d’améliorer le climat des affaires. De même, des propositions sont à l’étude pour restructurer et renforcer certaines banques publiques pour qu’elles puissent, elles aussi, contribuer efficacement au développement du secteur privé. Pour encourageantes que soient ces mesures, il faudra manifestement redoubler d’efforts durant les années à venir et sans doute parfois prendre des décisions difficiles.
La tragédie de l’attentat du Musée du Bardo nous rappelle que, même si l’on doit voir en elle un modèle à suivre, la Tunisie reste vulnérable aux événements aussi déchirants qu’imprévisibles qui secouent la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Ce drame se produit à l’heure où la Tunisie sort d’une transition politique difficile et prend des mesures importantes pour réformer son économie. Le chemin à parcourir ne sera pas dénué d’embûches et des risques se présentent qui tiennent à la fois à la conjoncture extérieure et à la difficulté de forger le consensus nécessaire sur les grandes réformes dont la nation a besoin. Toutefois les atouts propres à la Tunisie de même que la détermination nationale à agir pour un avenir meilleur sont de bon augure. Pour sa part, le FMI restera prêt à accompagner la Tunisie dans le tournant historique de sa transformation économique.