Climat, conflits, intelligence artificielle...: L'économie mondiale face aux forces transformatrices (FMI)

Malgré sa résilience après la pandémie, l’économie mondiale devrait connaître des perturbations en raison d’une multitude de forces transformatrices, notamment le changement climatique, la fragmentation géopolitique, les conflits, le passage au numérique (et les cyberrisques qui y sont associés) et l’intelligence artificielle (IA). L’avenir immédiat devrait être marqué par une grande incertitude.
 
L’une des sources de cette incertitude est l’effet du changement climatique, qui représente une menace majeure pour la croissance et la prospérité à long terme des pays. Des lacunes persistent en ce qui concerne les ambitions mondiales et l’application des mesures définies. Il est urgent d’agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter ainsi la hausse de la température moyenne mondiale à 2 °C (idéalement à 1,5 °C) par rapport aux niveaux préindustriels.
 
 L’incertitude résulte également des prévisions d’une croissance mondiale à moyen terme la plus faible depuis trois décennies. Un ralentissement sensible et généralisé de la croissance de la productivité totale des facteurs est à l’origine de plus de la moitié de ce recul. Ce ralentissement est exacerbé par une baisse généralisée de la formation de capital privé à la suite de la crise et par un fléchissement de la croissance de la population en âge de travailler dans les principales puissances économiques. En l’absence d’interventions opportunes des pouvoirs publics ou d’une impulsion donnée par les nouvelles technologies, la croissance mondiale ne devrait être que de 3,1 % d’ici à la fin de la décennie, soit 1 point de pourcentage de moins que sa moyenne antérieure à la pandémie (2000–19). Il sera essentiel d’améliorer l’allocation du capital et de la main-d’œuvre en faveur d’entreprises plus productives pour renforcer la croissance.
 
L’idée que le monde est en train de passer à une économie à faible croissance a été alimentée en partie par une fragmentation géopolitique de plus en plus marquée; dans ce monde, la géopolitique déterminerait les décisions en matière de commerce et d’investissement et, dans sa forme extrême, aboutirait à la création de blocs économiques rivaux (graphique 1.3). Les bouleversements concernant le commerce, les flux de capitaux et les investissements sont déjà en train de remodeler l’économie mondiale. Près de 3 000 mesures de restriction des échanges ont été imposées en 2023, soit près de trois fois plus 
 
qu’en 2019. Cette conjoncture risque de réduire à néant les gains d’efficacité que l’intégration économique mondiale a permis d’obtenir par le passé. Les restrictions diminuent les gains d’efficacité liés à la spécialisation, limitent les économies d’échelle et réduisent la concurrence. Compte tenu de l’intégration accrue du marché mondial et de la complexification des chaînes de valeur, le coût de la fragmentation sera plus élevé.
 
L’intensification de la fragmentation géoéconomique a également accru la pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils adoptent des stratégies plus actives en matière de politique industrielle. Dans certains cas, ces mesures de politique industrielle peuvent contribuer à remédier à l’inefficacité du marché. Toutefois, elles peuvent aussi se révéler coûteuses et conduire à diverses défaillances, allant de la corruption à une mauvaise affectation des ressources. Les politiques industrielles peuvent également avoir des répercussions préjudiciables au-delà des frontières, en augmentant le risque de représailles de la part d’autres pays, ce qui peut en fin de compte affaiblir le système commercial multilatéral et accentuer la fragmentation géoéconomique.
Les conflits sont l’un des principaux éléments déterminants de la fragmentation économique, et la période considérée a été marquée par une plus grande instabilité politique et des conflits de plus grande ampleur. Les guerres en Ukraine et à Gaza sont deux exemples marquants des nombreux conflits qui perturbent la reprise et la croissance mondiales. Au cours de la dernière décennie, par exemple, certaines régions d’Afrique et du Moyen-Orient ont été en proie à des conflits, à des troubles civils et à l’insécurité alimentaire. Selon une analyse du FMI, cette situation pourrait entraîner, dans le pire des cas, une contraction économique de 20 % au Sahel.
 
Si la situation persiste, plus de 60 % des personnes pauvres de la planète vivront dans des pays fragiles ou en conflit d’ici à 2030. 
 
Sa fragilité grandissante et les conflits en cours n’augurent rien de bon pour l’économie mondiale; en revanche, d’autres dynamiques, notamment le passage au numérique, pourraient se révéler bénéfiques. Ces dynamiques nécessiteront toutefois la prise de mesures réfléchies afin d’atténuer les bouleversements qu’elles pourraient engendrer.
 
L’intégration complète des technologies numériques dans tous les aspects des systèmes, processus et politiques économiques et financiers peut permettre de remodeler le système monétaire international. Dans certains pays, les autorités tardent à tirer parti des technologies numériques pour améliorer la prestation des services publics et renforcer les finances publiques. Pour maximiser les bénéfices du passage au numérique, les dirigeants devront raccorder les ménages non connectés à Internet et encourager la mise en place de solutions numériques dans le secteur public.
 
Le passage au numérique de plus en plus poussé, conjugué à une montée des tensions géopolitiques, présente des risques qui lui sont propres, par exemple sous forme de cyberattaques. La possibilité que des conséquences systémiques se produisent s’est accrue en même temps que le danger de pertes extrêmes dues à des cyberincidents. Ces pertes pourraient causer des problèmes de financement pour les entreprises et même mettre en péril leur solvabilité. Les entreprises doivent adapter leurs politiques et leurs cadres de gouvernance à ces dangers grandissants. Le FMI s’emploie à aider ses pays membres à renforcer leurs dispositifs de cybersécurité par des conseils stratégiques, notamment dans le cadre du programme d’évaluation du secteur financier, et par des activités de renforcement des capacités.
 
Les ramifications potentielles d’une utilisation accrue de l’IA peuvent être profondes. L’IA pourrait ouvrir la voie au début d’une révolution technologique, susceptible de relancer la productivité, stimuler la croissance mondiale et accroître les revenus dans le monde entier. Cependant, elle risque aussi de remplacer des emplois et de creuser les inégalités (graphique 1.4). Ceux qui parviennent à tirer parti de l’IA pourraient voir leur productivité et leurs salaires augmenter, tandis que ceux qui n’y parviennent pas risquent d’être laissés pour compte. 
 
Selon une étude récente du FMI, environ 60 % des emplois dans les pays avancés pourraient être concernés par l’intelligence artificielle (IA). Ce chiffre devrait être de 40 % dans les pays émergents et de 26 % dans les pays à faible revenu. 
Malgré les gains potentiels de l’IA, les dirigeants devront s’attaquer en amont aux inégalités globales qui en résultent. Pour aider les pays à définir des mesures adaptées, le FMI a mis au point un indicateur qui permet de mesurer l’état de préparation à l’IA dans des domaines tels que l’infrastructure numérique, le capital humain et les politiques du marché du travail, l’innovation, l’intégration économique, ainsi que la réglementation et la déontologie. Il existe de fortes disparités d’un pays à l’autre, mais les pays les plus riches, notamment les pays avancés et certains pays émergents, sont généralement mieux préparés à l’adoption de l’IA que les pays à faible revenu.
 
Extrait du rapport annuel du FMI
 

 

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