Le forum de la loi de finances s’est tenu au siège de l’IACE devant une assistance nombreuse, vendredi 09 janvier 2015, abordant deux thèmes principaux, hormis la présentation de la loi de finances 2015 elle-même, à savoir son impact sur la compétitivité des entreprises et la nécessité ou pas d’élaborer une loi de finances complémentaire.
La réunion était aminée par Fayçal DERBEL, Expert-comptable FINOR, Tunisie, et Walid BEL HADJ AMOR, Président du CTIVE, et en présence de Slim CHAKER, Président la Commission Economique et Sociale du Parti Nidaa Tounes, Noomen EL FEHRI, Rapporteur Adjoint au sein de la Commission Spéciale Chargée des Finances au Parlement et membre d’Afek Tounes et Slim BESBES, Président de la Commission Spéciale Chargée des Finances de Parlement et membre du Parti Ennahdha. Hamma HAMMAMI, Secrétaire Général du Parti Front Populaire et Mohsen Hassen, Président du bloc Parlementaire de l’UPL, qui devaient initialement participer à l’évènement se sont en revanche absentés.
En ouverture du forum, Fayçal DERBEL a fait une brève présentation du contexte économique dans lequel la loi de finance 2015 a vu le jour, une loi de finances light selon les termes de l’expert qui ne comporte que 29 dispositions fiscales et intervient, comme lors des années précédentes, sur fond de prééminence du politique reléguant en second plan les affaires économiques du pays, rappelant certains points primordiaux tels que le code d’investissement et la loi sur le partenariat public/privé, encore dans les tiroirs de l’ANC qui n’a voté que trois lois à caractères économiques sur un total de 59 textes pendant ses années d’exercice.
Economiquement, la Tunisie affiche un niveau de croissance faible à seulement 2,2%, et se trouve confrontée à plusieurs handicaps, comme la baisse du niveau d’investissement, le déficit de la balance commerciale et une situation critique du secteur du phosphate dont la production n’a pas dépassé les 3,9 millions de tonnes en 2014.
Le Budget 2015 avoisinera les 29 milliards de dinars, et prévoit un taux de croissance toujours faible de 3%, un déficit budgétaire de 4,9% et un taux d’endettement public à 52,9%. Il est établi sur la base d’un baril de pétrole à 95 dollars et une parité dinars/Dollar de 1,8. Fayçal DERBEL a relevé quelques points, notamment sur la partie du budget amené à être financée par les recettes fiscales, se demandant d’où viendra la hausse attendue de 5,5%, alors qu’il est prévu une réduction de l’IS, et la non reconduction de certaines mesures comme la contribution conjoncturelle et la redevance de compensations. Il s’est également interrogé sur la baisse de l’IR sur les autres revenus, qu’il trouve incompatible avec la batterie de dispositions anti-évasion fiscale mise en œuvre en 2014 dans le cadre de la loi de finances complémentaire. L’expert se préoccupe par ailleurs du niveau de la dette nationale qui sera combinée avec les fluctuations du taux de change et pourrait donner un service de la dette insoutenable dans les prochaines années.
Pour ce qui est de la loi de finances 2015 proprement dite, Fayçal DERBEL a souligné certains points comme dans l’article stipulant l’élargissement du champ d’application de l’IS aux associations, dénotant un flou dans la méthode d’identification des associations concernées. L’autre point relevé a été l’article sur l’assouplissement de la restitution, que l’expert juge anticonstitutionnel, y voyant une ségrégation puisque seules les sociétés qui relèvent de la direction des grandes entreprises en bénéficieront. En revanche il s’est félicité du renforcement des garanties du contribuable qui met désormais l’administration devant un délias précis pour répondre aux oppositions qu’elle reçoit, l’autre point positif étant les mesures de soutien aux entreprises totalement exportatrices, désormais autorisées à écouler jusqu’à 50% de leurs marchandises sur le marché local, un levier important face aux troubles sur les marchés européens et libyens.
Prenant la parole, Walid BEL HADJ AMOR a consacré son intervention à la compétitivité des entreprises tunisiennes dans les circonstances actuelles : une croissance faible tirée par la consommation et non par l’investissement, baisse des investissements publics, faible contribution du privé dans l’économie…autant de facteur qui limitent le gisement de croissance tunisien et l’environnement qui entoure l’entreprise, dont la compétitivité-prix est constamment menacé par la pression des charges sociales et les coûts des facteurs de production dont essentiellement l’énergie qui reste chère par rapport aux compétiteurs traditionnels de la Tunisie.
Walid BEL HADJ AMOR, ne voit aucune mesure d’accompagnement pour permettre aux entreprises de compenser ses pressions, rappelant que le modèle économique tunisien, basé sur les coûts de la main d’œuvre ne pouvait résister à long terme, et qu’un Switch vers une compétitivité qualité était difficile sans mesure claire.
En définitive, le président du CTIVE ne voit pas d’apport significatif de la loi de finances 2015 pour améliorer la compétitivité des entreprises, il considère qu’il y a de quoi la revoir au moins dans certains aspects arithmétiques, prenant en compte notamment l’évolution des cours de pétrole et du dollar.
Les débats ont ensuite été ouverts avec Slim CHAKER, Slim BESBES et Noomen EL FEHRI qui ont échangé leur visions quant à la nécessité ou non d’une loi de finances complémentaire. Tous s’accordent sur le caractère conjoncturel de la loi de finance 2015, qui s’insère dans la lignée des dernières années, avec des mesures plutôt court-termistes élaborées pour assurer la continuité par un gouvernement qui se savait sortant.
Quant à la loi de finances complémentaires, les opinions divergent, Slim Chaker qui représente le parti Nidaa Tounes a rappelé que la LF n’était pas une fin en soit, et que le gouvernement qui devra prendre en charge le pays pour le prochain quinquennat devra mettre en place deux plans parallèles, un plan d’urgence sur les 100 premiers jours et un plan quinquennal qui devra bénéficier du plus vaste consensus possible, hors l’élaboration d’une loi de finances complémentaire prendra pas moins de 9 mois de travail.
Noomen El Fehri du parti Afek Tounes est du même avis, considérant que la priorité des priorités sera de relancer les projets en suspend, ainsi que la loi sur le partenariat public/privé. Il préconise une sorte de loi d’urgence économique, donnant les pleins pouvoirs au chef du gouvernement pour accélérer les procédures et contourner les lourdeurs juridiques avec un processus de contrôle à postériori, une arme à double tranchant certes, mais qui s’impose vu les circonstances.
Slim BESBES, Président de la Commission Spéciale Chargée des Finances de Parlement et membre du Parti Ennahdha, semble par contre plus favorable à une loi de finances complémentaire, qui pallierait aux carences de la loi de finance qui manque d’orientation claire, le budget de l’Etat est passé de manière un peu expéditive pour ne pas laisser au prochain gouvernement un pays sans budget.
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