Écart de revenu : les pays les plus vulnérables face à la « grande régression » (Banque Mondiale)

C'est à un revers historique que sont actuellement confrontées les 75 économies les plus vulnérables du monde, qui sont éligibles à des dons et à des prêts à taux faible ou nul de l’Association internationale de développement (IDA). Pour la première fois depuis le début de ce siècle, l’écart de revenu se creuse entre la moitié des pays IDA et les économies les plus riches. Collette Wheeler, économiste senior au sein du Groupe de la Banque mondiale, a présenté les défis et opportunités pour les pays IDA dans un entretien dans le cadre de la section "réponses d'expert" de la Banque mondiale.
 
Alors que beaucoup de pays de cette catégorie avaient nettement avancé dans leur programme de développement, la pandémie et l'accumulation de chocs sur l'économie mondiale ont inversé la tendance, avec la hausse de l’inflation, des taux d'intérêt et le durcissement des conditions de financement qui s’en est suivi, ainsi que l'érosion du capital humain. La mauvaise passe de l'économie globale a aussi aggravé des difficultés préexistantes comme l'insécurité alimentaire. La croissance de ces économies durant 2020-2024 est en passe d'être la plus faible depuis les années 90 du siècle dernier. En fait, un pays IDA sur trois est aujourd'hui plus pauvre qu'avant la pandémie, en terme de revenu par habitant. L'analyste a indiqué que trois années de baisse de la pauvreté ont été perdues. En suivant la trajectoire de la croissance, on pourrait perdre jusqu'à dix ans de progrès dans le développement.
 
Selon Wheeler, l'aide de la communauté internationale sera cruciale pour permettre à ces pays de réaliser pleinement leur potentiel. L'analyste parle de deux aspects essentiels, que sont les besoins d'investissement qui ont beaucoup augmenté depuis la pandémie. L'investissement dans les infrastructures et la résilience face au facteur climatique coûteraient environ 10% du PIB par an sur la prochaine décennie pour les pays IDA les plus pauvres.
 
Le deuxième aspect est essentiellement historique, l'expérience a montré que le développement est possible avec l’aide internationale, comme en témoigne la sortie de plus de 30 pays du régime IDA, dont une dizaine depuis l'année 2000. Certains de ces pays sont même devenus des locomotives, à l'instar de la République de Corée, la Chine et l'Inde. 
 
Beaucoup des pays IDA peuvent bénéficier de l'abondance de richesses naturelles, qui seront d’un grand secours dans la transition énergétique, ainsi que du facteur démographique, puisque ces pays ont une population relativement jeune, contrairement à d'autres pays où la population en âge de travailler stagne voire recule. Les recherches de la Banque mondiale montrent qu’une hausse de 1% de la population peut engendrer jusqu’à 3% de hausse du PIB par habitant.
 
Les pays IDA doivent se pencher sur des réformes ambitieuses, chaque pays mettant en œuvre un package qui coïncide avec des spécificités, mais qui globalement doit diriger les dépenses vers l’investissement, aligner les taux d’imposition et améliorer l’administration fiscale pour renforcer la mobilisation de ressources, sans oublier la protection sociale pour protéger les plus vulnérables. Il sera critique pour ses pays de travailler sur l’amélioration de l’efficacité de leurs finances publiques. 
 
Wheeler a aussi insisté sur la nécessité des pays IDA de suivre l'évolution des prix, même si cela implique des resserrements monétaires comme l’est le cas dans tout le pays du monde. Toutefois, une des spécificités de beaucoup de pays IDA est que beaucoup d’entre eux sont dans des régimes de taux de changes fixes, ce qui rend fondamental d’aligner les politiques monétaire et budgétaire, pour maintenir  des niveau de réserves suffisants et la crédibilité de leur régime de change 
 

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