Le capital investissement Tunisien est une notion qui date depuis 1988 à travers la naissance de la règlementation relative aux sociétés d’investissement à capital fixe (SICAFs) et ultérieurement avec celle des sociétés d’investissement à capital risque (SICARs) et de certains types de fonds d’investissement. Le capital investissement,selon les définitions généralement admises,s’insère dans une logique de financement des projets en quête de ressources en fonds propres ou en quasi fonds propres et vise l'investissement dans des sociétés non cotées en bourse, connu sous le nom de capital non coté ou de « private equity ».
Sur la place tunisienne tout y est ou presque, les fonds d’essaimage, les fonds d’amorçage, les investisseurs en capital-risque et les investisseurs en capital développement ou de transmission.Une architecture du système de financement qui laisse penser, que dans une optique de création de projet, qu’il est possible de prendre en charge un projet de la phase idée jusqu’à sa concrétisation, mais de point de vue investisseur en capital, tout porte à confusion pourquoi trouve-t-on les SICARs, les fonds communs de placement à capital risque (FCPRs) et les SICAFs dans les phases création- développement et/ou transmission des projets ? Et pourquoi cette concurrence entre ces investisseurs en capital ? S’ils sont appelés à se faire la concurrence pourquoi leurs législations sont-elles donc si différentes ?
La réponse est pourtant simple car le législateur tunisien a établi la différenciation sur la base de la nature des projets d’investissement cibles plutôt sur la base de leur cycle de financement. La distinction, ainsi faite, n’est considérée qu’aux yeux des SICARs et des FCPRs par rapport aux SICAFs, mais inversement, il serait plus précis de dire que les champs d’activités des SICARs et des FCPRs constituent un sous ensemble des activités des SICAFs.
Ce conflit d’intérêt trouve, donc, son origine dans la mauvaise définition du champ d’activité du capital risque qui, d’après la règlementation tunisienne, laisse entendre que la notion du risque est étroitement liée à la nature des projets d’investissement cibles, ce qui n’est pas toujours vrai. Considérer un investissement risqué ne revient pas systématiquement à viser, à titre d’exemple, tous les investissements industriels manufacturiers, réalisés en Tunisie dans les zones d’encouragement au développement régional. Un raisonnement a contrario, laisserait en conséquence penser que les investissements réalisés en dehors de ces zones d’encouragement ne seraient pas considérés comme des investissements risqués ce qui n’est pas, aussi, toujours vrai et les contres exemples ne manqueraient pas.Il serait plus juste d’associer la notion du risque aux phases de financement du projet et non pas à sa nature. En d’autres termes, considérer les investissements les plus risqués, uniquement ceux qui interviennent depuis la naissance de l’idée du projet jusqu’à la limite du début de son succès, c’est-à-dire avant que le projet n’atteigne son seuil de rentabilité.
D’autant plus, et si on observe de plus près les règlementations des acteurs institutionnels tunisiens du capital investissement et particulièrement celles des SICARs , FCPRs et des SICAFs, on pourra facilement déceler une inégalité flagrante dans les conditions de financement d’un même projet, allant déjà des possibilités de levée de fonds, des contraintes imposées dans la limitation des pourcentages de contrôle, jusqu’à la manière de négocier les sorties du capital.
Ainsi, et indépendamment des circonstances conduisant à hériter la règlementation actuelle des SICAFs, des SICARs et de certains fonds d’investissement, nous pensons qu’il serait plus judicieux de prévoir les mêmes conditions dans un esprit d’équité pour tous ces intervenants, sous peine de continuer à biaiser les règles du jeu de financement des sociétés non cotées.
À l’heure de la démocratisation des aspirations,il serait temps, donc, pour les acteurs du capital investissement tunisien de se décider, soit de continuer dans la même logique de la législation actuelle, soit d’exiger son réaménagement en conformité avec les notions généralement admises.
Chiheb Mhenni
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