Dans un contexte mondial déréglé par les conséquences de la guerre en Ukraine, la Tunisie reste confrontée à des défis économiques complexes et des boulets majeurs qui continuent à freiner l’évolution de son activité. L’économie tunisienne qui avait déjà raté la reprise post-Covid, continue d'afficher des performances décevantes, avec une contraction de -0,2% au troisième trimestre par rapport au T3 2022, soit une croissance de seulement 0,7% du PIB sur l'ensemble des neufs premiers mois de l’année.
La contreperformance du troisième trimestre s’explique principalement par le fléchissement de 16,4% de l’activité agricole, qui souffre de la sécheresse et de l’aggravation du stress hydrique, et d’une demande intérieure en repli de 0,4%, qui a coûté 0,4 points de pourcentage à la croissance économique entre les mois de juin et d’août. Hors agriculture, le taux de croissance du PIB s’est maintenu en hausse (+1,5% après +1,9% au T2-2023), favorisant ainsi un retour graduel du PIB hors agriculture aux niveaux d’avant la pandémie.
La résilience de l’activité économique, hors agriculture, a été favorisée par la bonne tenue du secteur touristique et des activités connexes, ainsi que par le renforcement graduel de la production industrielle. Le pays fait aussi face aux difficultés d’assurer les besoins de financement de son budget, établi en début d’année à près de 70 milliards de dinars, en hausse de 15%. Dans un monde où l’ensemble des pays émergents doivent endurer les resserrements marquants des conditions monétaires, la Tunisie est loin d’avoir assuré ne serait-ce que la moitié des ressources extérieures essentielles, estimées à 4,8 milliards de dollars par la loi de finances.
Le blocage des négociations avec le FMI coûte cher à l’économie tunisienne, et reste un élément primordial pour la perception des bailleurs étrangers. Le 9 juin, l’agence de notation Fitch a abaissé d’un cran la note de la Tunisie, de CCC+ à CCC-, à cause des délais dans les négociations pour obtenir un nouveau prêt du Fonds monétaire international (FMI). De son côté, Moody’s a annoncé, dès janvier, la dégradation de la note souveraine de la Tunisie à long terme, en devises et en monnaie locale de Caa1 à Caa2 avec perspective négative, et avance-t-elle aussi, entre autres, les nouveaux retards prolongés dans la mise en place d’un nouveau programme avec l’institution internationale. Au niveau des prix à la consommation, l’inflation a poursuivi sa tendance baissière quasicontinue amorcée depuis le mois de mars 2023, pour s’établir à 8,3% (en G.A.).
Cette évolution porte la marque de la détente du rythme de progression de l’inflation sous-jacente « hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés » qui est revenue à 8,6% après 8,9% un mois auparavant et de la poursuite de la décélération du rythme de progression des prix des produits alimentaires frais (11,5% contre 13,0% le mois précédent). En l’absence de vrais catalyseurs au niveau économique, les investisseurs sur la cote de la BVMT ont plutôt choisi la prudence. Après une belle performance en 2022, confirmant le rebond entamé l’année précédente, le Tunindex a ralenti la cadence en 2023, et termine l’année avec une hausse timide de 7,9% à 8 750,59 points, une évolution sur l’;année qui montre une baisse de régime au second semestre, alors que sur les six premiers mois, le rendement de l’indice vedette de la Bourse de Tunis frôlait les 10,5%, plaçant le benchmark aux abords des 9000 points.
Pour la deuxième année consécutive, l’évolution des volumes de transactions montre une quasi stagnation des flux de capitaux traités sur le marché actions, dont le total a atteint 1641 MD. Les transactions de blocs ont représenté un peu plus de 32%, contre 22% en 2022. Les mouvements pour le compte d’investisseurs étrangers ont représenté un peu plus de 6% sur les titres de capital à fin novembre. La part de la capitalisation boursière détenue par les étrangers, qui demeure essentiellement stratégique, est passée à 21% de la capitalisation globale du marché après avoir atteint 20,9% en 2022.
Les sociétés cotées ont globalement plus ou moins résisté aux vents contraires engendrés par l’inflation, les pénuries à répétition, la poursuite du glissement du dinar et les multiples facteurs extérieurs qui ont aggravé les défis et empêché la normalisation de l'activité pour certains secteurs. Les indicateurs d’activité des sociétés cotées, sur les 9 premiers mois de l’année 2023, font néanmoins ressortir un revenu global en hausse de 5,7% par rapport à la même période de l’année 2022, pour atteindre 16 milliards de dinars contre 15 milliards de dinars. A fin juin, le résultat semestriel global au titre de la première moitié de l’année 2023, des 63 sociétés cotées qui ont publié leurs états financiers affiche une progression de 4,6% par rapport à la même période de l’année 2022, pour atteindre un montant de 1 320 MD contre 1 263 MD.
Au classement des valeurs les plus performantes, l’action Atelier du Meuble Intérieurs signe un gain annuel de 71,43%, dans un petit volume. Le spécialiste du mobilier de bureau a dégagé à fin septembre un chiffre d’affaires de 17,3%, en légère baisse de 2% ; les revenus consolidés se sont établis à 19,5%, également en repli de 2%. Les comptes individuels pour le premier semestre montrent une progression de 52% du bénéfice comparé au S1 2022.
BH Leasing enregistre un rendement de 58%. L’action du leaseur du groupe BH a été boostée par les résultats de la compagnie qui a quasiment triplé son bénéfice au premier semestre, à 1,6 MD. Malgré une légère baisse de ses produits nets, BH Leasing a réduit de 18% ses charges d’exploitation, le résultat d’exploitation a ainsi bondi de 227% par rapport à juin 2022. Dans le bancaire, l’action BIAT s’est contentée d’un gain annuel de 11%. Amen Bank s’offre une hausse de 54,26%. Le bras financier du groupe Amen a vu son PNB atteindre pour la première fois les 400 MD à fin septembre, en hausse de 9%.
SOTUVER prend 44,25% sur l’année. Le leader des emballages en verre a amélioré de 3% ses revenus sur les neuf premiers mois de l’année, à 120 MD. La filiale du groupe Bayahi a entamé des discussions avec des investisseurs pour une ouverture de son capital à hauteur de 20 à 30% pour soutenir son internationalisation. L’avancement des discussions a été freiné par “les événements sur la scène internationale”, et les négociations se poursuivront au premier semestre de 2024, a indiqué la direction de SOTUVER.
A l’opposé, la plus forte baisse de l’année a touché Cellcom, avec une perte de 53,24%. La maison mère de la marque Evertek a connu une baisse de 15% de son chiffre d’affaires à fin septembre 2023 par rapport à la même période en 2022, pour s’établir à 36.3 MD.
Ciment de Bizerte termine l’année en baisse de 46,29%, un mauvais parcours boursier qui colle aux performances de la cimenterie publique. SCB affiche une perte de 17 MD à fin juin après une perte de 29 MD en 2022. La société a annoncé en fin d’année, l’arrêt pour un mois de sa production de clinker, en raison de l’épuisement du stock de coke de pétrole après un incendie qui a touché la salle des moteurs du pont mobile de Bizerte.
SFBT, première capitalisation du marché, a également terminé l’année dans le rouge, avec un repli de 2,22%. Le leader des breuvages en Tunisie a réalisé un bénéfice semestriel de 150,2 MD, en hausse de 2,3%, et des revenus sur neuf mois en hausse de 2%, à 614,7 MD.
Sur un autre plan, et malgré les efforts des autorités boursières, le marché primaire reste l'une des grandes faiblesses de la place de Tunis, l’année 2023 n’a en effet connu aucune nouvelle introduction : la dernière émission remonte à fin décembre de l’année dernière, avec l’entrée en Bourse des Assurances Maghrebia. Le nombre de sociétés cotées sur le marché principal a diminué avec les radiations de Cerealis, AMS et SOPAT. Côté augmentations de capital, deux opérations ont été réalisées sur Magasin Général et Monoprix.
D’un autre côté, le marché obligataire a connu une baisse en volume de 13,2%, passant de 872 MD en 2022 à 757 MD en 2023 pour les emprunts clôturés, malgré un nombre d’émissions supérieur (20 en 2023 contre 14 en 2022). Concernant l’emprunt obligataire national, le montant levé a atteint 3,790 milliards de dinars, représentant 135,35% de la valeur globale visée par l’émission, fixée initialement à 2,8 milliards de dinars. En 2022, la place de Tunis avait mobilisé 2,975 MD.