Après deux mauvaises années et un timide retour au vert en 2021, le Tunindex a accéléré son rebond en 2022, manifestant une belle résistance face aux vents contraires. L'indice vedette de la place de Tunis finit l'année avec une hausse de 15,1%. Le benchmark a été soutenu par les résultats globalement bons des sociétés cotées et le comportement de la plupart de ses valeurs reines. Le revenu global a dépassé les 17 milliards de dinars à fin septembre, contre 14,8 milliards à la même date en 2021. Le PNB des 12 banques cotées a évolué de plus de 13% à plus de 4,5 milliards de dinars. Le résultat semestriel global au titre du premier semestre 2022, des 70 sociétés cotées qui ont publié leurs états financiers affiche une progression de 21,8% par rapport à la même période de l’année 2021, pour atteindre un montant de 1 262MD contre 1 036 MD.
L'évolution des volumes des échanges montrent une quasi-stagnation des flux de capitaux sur le marché actions, dominés à plus de 44% par le secteur financier, et qui ont atteint 1558 milliards de dinars, soit +0,3% par rapport à 2021. Sur l'ensemble de la cote, le volume des échanges a augmenté en 2022 de 5,7% pour atteindre 1 767MD contre 1 672MD en 2021, soit un volume moyen quotidien de 6,9MD contre 6,7MD en 2021. Les transactions de blocs ont représenté une part de 22% du volume des échanges sur les titres de capital et une part de 19% sur la cote de la Bourse, soit 341MD contre 573MD en 2021. Les mouvements pour le compte d'investisseurs étrangers ont représenté 2,3% sur les titres de capital. La part de la capitalisation boursière détenue par les étrangers, qui demeure essentiellement stratégique, est passée à 5 022MD représentant 20,9% de la capitalisation globale du marché contre 5 374MD et une part de 23,1% en 2021, soit une baisse de 2,2% correspondant à 351MD.
Au palmarès des valeurs les plus performantes, c'est Aetech qui prend la tête avec un rendement de 90,7%, suivie de ATL et STIP, qui affichent respectivement 75,8 et 60%. Chez les banques, la BIAT a grappillé 57,4% sur l'année, soit la meilleure performance du secteur devant UIB qui prend 57,3%. A l'opposé, SERVICOM figure en lanterne rouge, avec une perte de 77,7%. Les autres principales baisses ont touché ELECTROSTAR, MIP, ASSAD et Magasin General. La première capitalisation du marché, SFBT, finit également l'année en rouge : le titre a perdu 22,29% de sa valeur depuis le 1er janvier.
Sur le marché primaire, deux nouvelles introductions sont venues enrichir la cote, la première en mars, avec l'entée de STA. Le concessionnaire officiel de la marque chinoise Chery en Tunisie a apporté une capitalisation boursière de 34 MD. La deuxième opération est celle de Maghrebia Vie, pour une capitalisation boursière de 152 MD le jour de l'introduction. La capitalisation boursière du marché a enregistré une légère hausse de 3,3% soit 767MD, pour s’établir à 24 029MD contre 23 262MD à la fin de l’année 2021. Le montant global des émissions réalisées par les sociétés cotées et autorisées par le Conseil du Marché Financier (Fin novembre 2022) a atteint 857MD pour 19 opérations. Ce nombre est réparti entre 12 emprunts obligataires qui ont porté au total sur 762,5MD, dont un emprunt obligataire émis selon les principes de la finance islamique pour un montant de 20MD, et 7 augmentations de capital pour 94,5MD.
Le marché boursier a évolué dans un cadre local sévère et soumis à des chocs externes exceptionnels : le déclenchement de la guerre en Ukraine en février a totalement déréglé la machine économique mondiale, rompant l'élan de la reprise observée au second semestre de 2020 et en 2021, après les ravages de la pandémie COVID-19. L'invasion menée par Moscou a poussé l'inflation à des niveaux inédits depuis plusieurs décennies, obligeant les autorités monétaires dans le monde à multiplier les tours de vis. Aux Etats Unis, la FED a procédé à sept relèvements de ses taux, pour les ramener à un plus haut depuis 15 ans. La BCE a augmenté ses taux quatre fois depuis juillet 2022 et a d’ores et déjà fait savoir qu'elle ne baissera pas sa garde en 2023. Un large consensus s'est donc construit sur un risque élevé de récession dès l'hiver 2023. Selon les dernières estimations du FMI, la croissance mondiale pourrait reculer sous les 2%, contre 2,7% pour les estimations antérieures. Aux Etats Unis, la FED a drastiquement réduit ses prévisions de croissance pour 2023, tablant désormais sur 0,5% contre 1,2% auparavant. De son côté, la BCE s'attend à une croissance faible de 0,5% en 2023 contre des prévisions initiales de 0,9%.
En Tunisie, l'année aura été plus qu'éprouvante, les tunisiens ont vécu au rythme des pénuries et des hausses des prix, dans un piètre climat politique. L'inflation est passée de 6,7% en janvier à 9,8% au mois de novembre. L'inflation s'est d'autant plus accélérée avec l'envolée du dollar : depuis le début de l'année, le dinar affiche une dépréciation de 9,6% face au billet vert, alors qu’il s’est apprécié de 1,8% vis-à-vis de l’euro.
Comme beaucoup de ses pairs dans le monde, la Banque Centrale de Tunisie a opéré trois relèvements de son taux directeur, de 6,25 à 7% en mai, de 7 à 7,25% en octobre et de 7,25 à 8% en décembre. La BCT a pointé du doigt la faiblesse du potentiel de production de l’économie face à une demande progressive, soit une source de tension inflationniste principale qui pourrait soutenir les effets haussiers importants provenant de l’extérieur. L'institut d'émission a exprimé, dans son dernier communiqué, des inquiétudes profondes sur les risques qui entourent les équilibres monétaires et financiers de la Tunisie, et a souligné la nécessité de garantir les financements extérieurs nécessaires aux équilibres des finances publiques et de renforcer le dosage macroéconomique.
Pour tenter de joindre les deux bouts, la Tunisie s'est tournée vers le FMI : de longues négociations ont abouti en novembre à un accord au niveau du staff technique du Fonds sur un nouveau mécanisme élargi de crédit de 1,9 milliards de dollars sur 48 mois, qualifié de crucial pour le pays. A l'annonce de cet accord, Fitch Rating a relevé la note de la Tunisie, de 'CCC' à 'CCC+', et a annoncé ainsi le retrait des notes à long terme de la catégorie Under Criteria Observation.
Le feuilleton avec le FMI a pourtant connu un nouveau rebondissement, avec la déprogrammation de l'examen du dossier tunisien prévu lors de la réunion du conseil d'administration du Fonds le 19 décembre, officiellement pour donner du temps aux autorités tunisiennes pour achever les conditions préalables requises pour le programme. Un retard qui accroît le risque de dégradation de la notation souveraine de la Tunisie par l'autre grande agence de notation, Moody's, qui avait attribué la note de Caa1.
La fin de l'année a été justement marquée par l'adoption du décret-loi de finances 2023, signé par Kais Saied le 23 décembre, controversé et critiqué par beaucoup d'acteurs économiques, qui dénoncent une pression fiscale de plus en plus lourde et l'absence de concertation pour l'élaboration du texte. La Tunisie serait selon plusieurs experts, le champion continental en matière de pression fiscale.
Selon les derniers chiffres de l'INS, la croissance a atteint 2,9% au troisième trimestre, contre 2,6 et 2,3% respectivement au second et au premier trimestre. Les perspectives de croissance de l’économie nationale ont été révisées à la baisse pour l’année 2022 à 2,2% contre 3,3% avancées dans le rapport sur les perspectives de l’économie mondiale du mois d’octobre 2021 selon le FMI. Pour 2023, les prévisions du Budget sont extrêmement prudentes et tablent sur une croissance de 1,8%.