Les réserves en devises sont considérées comme un filet de sécurité financier et sont utilisées pour subvenir aux besoins stratégiques de liquidité de l’économie en cas de pressions sur les comptes extérieurs. Elles jouent également le rôle d’une garantie pour les créanciers et les investisseurs étrangers sur la capacité du pays à payer ses dettes et à assurer la continuité des transferts avec l’extérieur ce qui leur confère un rôle stabilisateur très puissant. La Banque centrale utilise aussi les réserves pour lisser les fluctuations des taux de change de la monnaie nationale.
La convention communément admise pour l’adéquation du niveau des réserves en devises est que ces dernières devraient couvrir les besoins de financement en devises d’une économie sur un horizon d’un an.
Le niveau adéquat des réserves en devises peut être apprécié au regard d’un ensemble de références calibrées à partir de l’expérience collective des pays lors des crises antérieures ou modélisées en se basant sur une analyse coûts-bénéfices. Parmi les indicateurs les plus usuels dans l’appréciation du niveau des réserves, on cite le nombre de jours d’importations (JI), indicateur basé sur le critère commercial censé jauger la vulnérabilité du compte courant, avec un seuil conseillé minimum d’environ 3 mois.
Comme il apparaît dans le graphique infra, le niveau des avoirs en devises de la Tunisie est resté jusqu’en 2003 globalement en deçà de la barre des 3 mois d’importations. La moyenne des JI sur la période 1987-2004, soit 17 ans, a été d’environ deux mois, avec par moments, au début des années 90, un stock des réserves en dessous de un mois d’importations.
A partir de 2004, ce ratio a sensiblement progressé pour atteindre plus de 186 jours d’importations en 2009, suite à la consolidation des avoirs en devises grâce à l’afflux massif d’IDE dans le cadre d’opérations de privatisation, notamment la cession de 35% du capital de la société TunisieTélécom en 2006 pour une enveloppe de 2 250 millions de dollars.
Toutefois, ce ratio a fortement baissé à partir de 2010, pour revenir vers les 90 jours au troisième trimestre 2012 sous l’effet, d’une part, de la crise d’endettement dans la zone euro, et d’autre part, des évènements sociopolitiques qu’a connus la Tunisie depuis janvier 2011 et qui ont pesé sur les secteurs pourvoyeurs de devises. Grâce aux financements extérieurs subséquents, ce ratio a pu revenir à des niveaux supérieurs à 100 jours d’importations (la moyenne étant d’environ 110 JI sur la période décembre 2012 à ce jour).
En 2017, le niveau des réserves a bénéficié notamment de l’encaissement de l’émission de EUR 850 millions en février qui a porté le stock en devises de 99 à 116 JI. Toutefois, le stock des avoirs en devises a reviré de nouveau à la baisse sous l’effet :
- des pressions continues sur la balance commerciale,
- des règlements au titre du service de la dette extérieure,
- et du tarissement des entrées en devises liées d’une part aux perturbations de la production du phosphate et du pétrole, et d’autre part à la baisse des recettes en billets de banques étrangers malgré l’amélioration de l’activité touristique à cause de la prolifération du marché parallèle en devise.
Le stock des avoirs en devises a atteint 90 JI à la mi-août notamment après le remboursement en principal et intérêts de l’émission Samurai VI (12,7 milliards de yens).
L’encaissement de l’emprunt Banque Mondiale de 456 millions d’euros le 22 août 2017 a permis de rétablir le niveau des réserves en devises à 103 JI.
Il convient de souligner à cet égard, outre le caractère cyclique de l’évolution des réserves en Tunisie lié à l’activité économique, la gestion du stock des avoirs en devises connaît, comme ce fut le cas récemment, un certain décalage entre les dépenses arrivant à échéance et les recettes programmées, ce qui induit parfois des baisses relativement prononcées, mais momentanées de ce stock que la Banque Centrale de Tunisie œuvre à maintenir au-dessus d’un niveau stratégique permettant de répondre aux objectifs dévolus aux réserves en devises.
Ceci étant, le maintien des avoirs en devises à des niveaux adéquats nécessite la maîtrise du rythme d’accroissement du déficit commercial, et surtout le rétablissement de l’activité des secteurs pourvoyeurs de devises et l’éradication de toute activité économique parallèle qui est de nature à aspirer d’une manière incontrôlable les ressources qu’il s’agisse en devises ou en dinar.
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