Dans son 30ème rapport annuel, la Cour des comptes y a consacré un chapitré dédié à « la gestion dans les avoirs et les biens confisqués ». Un chapitre qui met toute la lumière sur les dysfonctionnements d’un mécanisme dont le but premier étant le renflouement des caisses de l’Etat mais qui en déraille. La confiscation représente, en effet, un instrument utilisé dans le cadre de la lutte contre la corruption à travers la récupération des biens mal acquis en l’occurrence par l’ancien président Ben Ali et sa famille. De ce fait, la Cour des comptes s’est attribuée pour mission d’opérer un contrôle rigoureux sur la commission de confiscation et celle de gestion en y ajoutant celle de la société Karama Holding ayant à sa charge 62 participations directes et indirectes, et ce, en couvrant la période de 2011 à 2015.
L’on peut lire dans les lignes du rapport, que les recettes des fonds des avoirs et biens confisqués dans ce cadre se sont établis à hauteur de 978,123 millions de dinars jusqu’à février 2015, tant dis que les fonds versés au budget de l’Etat à fin 2015 ont été de l’ordre de 917 millions de dinars. Ledit chapitre rapporte également qu’il s’est agi d’une action inachevée des opérations de confiscation concernant 27 biens immobiliers, des contributions dans les capitaux de 11 entreprises ainsi que 4 voitures. Ce retard a été à même de permettre à un nombre des concernés par l’opération de confiscation de pouvoir céder leurs biens. En outre, la Commission de gestion s’inscrit en faux quant à l’actualisation de certaines données afférentes sur 541 biens immobiliers, 142 voitures et 18 yachts. Une défaillance qui a empêché la Commission de préserver ces derniers et cela a débouché sur le sabotage de 17 biens, le vol de 3 villas, la négligence de 46 biens ainsi que la non-perception du loyer de 20 fermes agricoles au cours de la période de 2011 à 2015.
Aussi a-t-il été question de l’absence de maintenance des biens entrainant des dépenses supplémentaires à la charge de l’Etat et qui se sont établies à hauteur de 300 mille dinars de frais de restauration au titre de 2015. Dans le même temps, la valeur des voitures a accusé une baisse considérable de l’ordre de 768 mille dinars. En ce qui concerne les entreprises confisquées, la Cour des comptes a constaté que 546 d’entre elles ont vécu de nombreuses difficultés sur le plan de la gestion ayant engendré une dégradation de la situation financière de la majorité d’entre elles.
C’est d’ailleurs le cas des entreprises placées sous administration judiciaire et n’ayant pas pu honorer leurs engagements envers les fournisseurs, le personnel, ainsi que les banques. A ce titre, il est à noter l’absence d’une réelle coordination entre les administrateurs judiciaires et la Commission de gestion qui n’a reçu que 1,5% des rapports de gestion. Il en résulte une absence de prise de décisions rectificatives au moment propice. C’est également le cas en ce qui concerne les actions de mise à niveau et de la cession des entreprises et biens confisqués n’ayant pas dépassé les 3% du total de qui aurait dû être.
S’agissant des travaux de la Commission de confiscation, des défaillances ont été de même constatées, à l’instar de la lenteur et l’absence de sérieux, ce qui a entrainé de considérables pertes sèches estimées à plusieurs millions de dinars. De plus, la Cour des Comptes relève dans son rapport des lacunes en matière de transfert de propriétés, de la récupération des biens revendus illégalement, de transfert des avoirs bancaires confisqués au profit des comptes de la confiscation. Autre constat : 171 entreprises confisquées sont restées sous administration judiciaire pendant plus de 5 ans sachant que les administrateurs, dont la nomination devait être limitée dans le temps, ont refusé de s’acquitter des dus bancaires et fiscaux.
Quant aux entreprises placées sous régime d’exploitation, leur situation n’est pas plus confortable étant donné qu’elles se retrouvent débitrices aux créanciers portant des dettes estimées à 1162 millions de dinars pour seulement 14 entreprises, ce qui est colossal comme somme puisqu’elle est l’équivalent de 449% du capital de ces entreprises.