L'intermédiaire en Bourse Tunisie Valeurs nous replonge dans les principaux faits marquants et le bilan de l'année boursière 2024, et présente les perspectives du marché actions pour 2025, après une année écoulée marquée par l’enthousiasme des investisseurs pour les actifs risqués qui s’explique par les bonnes publications des sociétés cotées au titre de l’exercice 2023, principalement du secteur financier, poids lourd de la cote, et des «Big Caps» industrielles, et leur distribution généreuse de dividendes. Les résultats concluants de l’exercice 2023, témoignent encore une fois de la résilience de la rentabilité des sociétés cotées et de la capacité de leur management à naviguer à travers les changements.
Si le marché a été porteur pour de nombreuses «Small Caps», plusieurs petites capitalisations, ont a contrario grandement souffert, avec des baisses vertigineuses. CIMENTS DE BIZERTE a accusé la plus forte chute en 2024 (-55 %). La cimenterie publique n’est, malheureusement, pas au bout de ses peines. La production du clinker a été suspendue durant tout le 3e trimestre 2024. Cette suspension est due à l’absence du combustible à savoir le coke de pétrole, seule source d’énergie possible pour le fonctionnement du four et ce, à la suite des difficultés financières rencontrées par la société qui l’ont empêché d’importer cette matière. La plus vieille cimenterie du pays a essuyé des pertes de 26,8 MDt au terme de la première moitié de 2024.
Dans la continuité des dernières années, le titre SOMOCER poursuit sa déroute en bourse (un décrochage de 44 %). L’action du spécialiste des carreaux céramiques a évolué dans le sens des publications mais à contre-courant des autres filiales cotées du Groupe ABDENNADHER à savoir SOTEMAIL et SANIMED. L’atonie de l’activité de la SOMOCER, le creusement de ses déficits et le fort appétit à l’endettement ont pesé sur le sentiment du marché envers le titre.
L’hémorragie boursière se poursuit pour le titre AeTECH qui pointe à la troisième place des plus fortes chutes de l’année (une correction de -42 %). Des retards récurrents dans les publications et une activité qui peine à remonter la pente (des pertes de 1,4 MDt au terme de 2023 pour le groupe) ont entamé la confiance des investisseurs dans le titre.
Trois actions bancaires ont clôturé l’année sur des hausses de cours assez soutenues : AMEN BANK (+37 %), BIAT (+23 %) et ATTIJARI BANK (+21,4 %). L’embellie du Tunindex a aussi été portée par la bonne orientation globale des «Big Caps» industrielles avec à leur tête DÉLICE HOLDING (+43 %), SAH LILAS (+32 %) et POULINA GROUP HOLDING (+18 %).
En 2024, la capitalisation boursière a progressé de 8,2 % à 26,5 milliards de dinars, soit 15,9 % du PIB. Cette performance tient compte de la radiation des sociétés SERVICOM depuis le 30 avril 2024 (une capitalisation boursière de 3 MDt à la veille de sa radiation), ELECTROSTAR (une capitalisation boursière de 3,1 MDt à la veille de sa radiation), MIP (une capitalisation boursière de 0,4 MDt à la veille de sa radiation) depuis le 10 septembre 2024 et de GIF-FILTER depuis le 11 novembre 2024 (une capitalisation boursière de 4,5 MDt à la veille de sa radiation) et de l’absence de nouvelles mises sur le marché. À la suite de cette opération, la cote de la Bourse ne compte, à fin 2024, que 74 sociétés. Il est important de noter que le marché primaire a été marqué par la réalisation d’une augmentation de capital en numéraire. L’opération se rapporte à la BTE. Pour lui donner les moyens de ses ambitions, renflouer ses fonds propres et restaurer ses ratios prudentiels, les actionnaires de référence de cette banque à capitaux tuniso-émiratis ont injecté une enveloppe 18,7 MDt dans le capital. L’opération a été réalisée dans la limite de 77,8 % du montant initialement prévu (24,1 MDt). La capitalisation boursière de la place de Tunis n’a, ainsi, progressé que de 2,1 milliards de dinars entre 2018 et 2024 soit 8,5 %, tandis que l’inflation sur cette période a dépassé en cumul les 50 %.
Sur un autre plan, le taux de la participation étrangère (qui est essentiellement stratégique) dans la capitalisation boursière s’est élevé à 19,6 % à fin 2024, contre 21,2 % au terme de 2023. Les transactions réalisées pour le compte des étrangers sur la cote de la Bourse ont induit un solde net négatif de -95,7 MDt avec 53,4 MDt pour les acquisitions et 149 MDt pour les cessions. La conjoncture économique difficile et les pressions sur les finances publiques semblent déconcerter les investisseurs étrangers. À cela s’ajoutent les craintes d’un nouveau cycle de glissement du dinar et l’attractivité des marchés concurrents à la Bourse de Tunis comme le marché marocain et le marché égyptien.
Nonobstant la morosité ambiante, l’industrie de la gestion d’actifs confirme sa pleine forme. Le nombre d’OPCVM a augmenté à 127, à fin 2024, contre 121 véhicules au terme de 2023. Par ailleurs, les actifs gérés ont nettement repris du poil de la bête (+ 21 %), atteignant un niveau record de 7 milliards de dinars avec une collecte additionnelle nette de 1,2 milliard de dinars. L’essentiel étant les OPCVM obligataires qui confirment leur place de valeur refuge alors que le papier de l’État bien rémunéré est largement disponible.
Dans un climat qui se caractérise par un manque de visibilité, l’année 2025 s’annonce incertaine. Malgré la résilience dont fait preuve le secteur privé (comme en témoignent les comptes du premier semestre 2024 qui font état d’une croissance de la masse bénéficiaire de la cote de 9,3 % à 1,4 milliard de dinars, en glissement annuel, pour les 62 sociétés ayant publié leurs états financiers semestriels), les analystes de Tunisie Valeurs restent prudents quant à l’évolution du marché en 2025.
Au vu de l’alourdissement de la pression fiscale, l’excellente prestation des sociétés cotées au titre de l’année 2023 semble difficilement «duplicable» sur l’exercice 2024, estime l'intermédiaire en bourse.
La question qui se pose maintenant : avec une économie encore à la peine et une épargne au plus bas, le placement en bourse garde-t-il un effet d’appel ? Le placement boursier pourrait, semble-t-il, constituer un rempart contre l’érosion de la valeur de la monnaie, étant donné l’hypothèse de résistance des marges des entreprises sélectionnées à la hausse des prix. Ce constat est de nature à favoriser l’arbitrage des investisseurs pour les actifs risqués de qualité. La deuxième raison qui explique la résistance de l’investissement en bourse dans ce contexte morose est la résilience des grands comptes (les Family Offices). Ces derniers génèrent avec les OPCVM mixtes et les FCP CEA le plus clair des volumes en bourse.
Nonobstant cela, il faut faire preuve d’une vigilance extrême et d’une prudence renforcée dans la stratégie de sélection de valeurs. La solidité des fondamentaux et la qualité du management restent la ligne de conduite pour faire face aux aléas de l’environnement et à la morosité ambiante.
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