Dans le cadre de son programme d’analyse prospective sectorielle au profit des établissements financiers, sur demande du Conseil Bancaire et Financier (CBF), l’agence de notation PBR Rating a présenté récemment le diagnostic macroéconomique de l’exercice 2022 et exposé les perspectives d’évolution des différents secteurs d’activités sur les prochains mois.
Sous l’égide du CBF et en présence des représentants des banques et autres établissements financiers, PBR Rating a dévoilé la dernière version de son rapport trimestriel de suivi des risques macroéconomiques et sectoriels en Tunisie. Un rapport basé sur une double méthodologie, économique et économétrique, ayant pour but de sensibiliser les établissements financiers sur les risques et les opportunités de financement de chaque activité économique et de modéliser les mutations à venir en matière de qualité de signature sectorielle.
La Tunisie est confrontée, depuis plusieurs années, à un contexte économique et social difficile, caractérisé notamment par une faible croissance économique, des déficits persistants, une augmentation de la dette publique et une forte inflation. Les difficultés économiques locales ont été exacerbées par la crise Covid-19 et, plus récemment, par les impacts de la guerre en Ukraine.
Le climat des affaires privés actuel ainsi que la situation financière de l’Etat central ne permettent pas d’envisager une reprise économique pérenne et significative sans réformes structurelles majeures (outre les mesures de gestion des finances publiques convenues avec le FMI et dont les premiers effets sont perceptibles dans la LF 2023). Des réformes structurelles, dont la complexité, d’une part, et l’adhésion qu’elle nécessite, d’autre part, supposent un cheminement multidimensionnel sur le moyen et le long termes.
Dans ce cadre, PBR Rating a mis l’accent sur le coût de la guerre en Ukraine pour l’économie tunisienne (-0.3% de croissance sur l’exercice 2022) et ce au lendemain de la récession renforcée par le COVID ; ainsi que les secteurs qui ont été les plus touchés en termes de création de valeur. Un focus sur l’inflation a été réalisé afin d’en expliquer les paramètres, les perspectives d’atténuation (T2 2024) et les solutions structurelles pour en résorber les effets sur l’économie nationale.
Sur la sphère macroéconomique, les grands agrégats ont été passés en revue (croissance, déficit budgétaire, déficit commercial, endettement, chômage, etc.) afin d’apporter une analyse quantitative de l’exercice 2022 et de présenter les évolutions à venir sur l’année charnière 2023. Il en ressort, par exemple, que la Tunisie verra sa croissance diminuer sous la barre des 2% (glissement annuel) avec une inflation supérieure à 11.3% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2023 (avec atténuation potentielle à partir du T2 2024) et un double déficit (budgétaire et balance de paiement) dont la défaillance, en termes de commerce extérieur, sera le plus grand défi de l’exercice 2023 (avec une pointe estimée à -27 Md TND en fin d’année).
L’endettement et la mobilisation des ressources extérieures sera, également, un défi de taille pour les finances publiques ; la LF2023 ayant prévu des volumes d’emprunts extérieurs et intérieurs estimés respectivement à 14,8 Md TND et 9,5 Md TND.
Outre la difficulté de recourir aux marchés financiers internationaux (le coût du risque sur l’actif souverain tunisien étant trop important sur les exercices 2023-2024), l’Etat central fait face à un triple défi pour la collecte des ressources nécessaires à l’exécution de son budget 2023 :
Le niveau d’endettement global et la soutenabilité générale de la dette publique post-financement 2023
Les importantes échéances de remboursement propres à l’exercice 2023
Les capacités réelles du marché local et les distorsions en matière de liquidités induites par des interventions intensives de l’Etat.
Par ailleurs, PBR Rating a exposé les signaux d’alertes relatifs à la déstructuration continue des équilibres macroéconomiques en matière d’offre et de demande. En effet, l’économie tunisienne souffre de plus en plus d’une défaillance en matière d’offre et de production due, notamment, à l’augmentation des facteurs de production, l’accroissement des coûts de l’investissement (et les difficultés opérationnelles de son exécution et de sa mise en place), la dégradation de la compétitivité internationale et les limites du marché national (volume et capacité/pouvoir d’achat), entre autres.
L’économie tunisienne se doit de retrouver le chemin de la production et de la création de valeur. Dans ce cadre, PBR Rating note deux fondamentaux à (re)mettre en œuvre que sont l’investissement et l’exportation. Outre l’efficience de la gestion des finances publiques, les réformes structurelles à entreprendre par la Tunisie se doivent d’être orientées vers (1) la simplification, l’encouragement et le développement de l’investissement (local et étranger), ainsi que vers (2) la protection, l’accompagnement et l’incitation à l’exportation, notamment dans les activités industrielles manufacturières. A cet effet, le solde de la balance commerciale se doit d’être l’un des principaux indicateurs de conduite de la politique macroéconomique du pays sur les prochains mois et exercices.
En matière de cartographie sectorielle, PBR Rating a mis en exergue les potentialités dont regorgent le tissu économique tunisien à travers un focus sur un ensemble de facteurs clés pour chaque domaine d’activité :
L’agriculture (10% du PIB estimé en 2023*) : l’autonomie et l’indépendance du pays en termes de denrées agricoles est une priorité nationale à travers le support direct de la production, la mise en place d’une nouvelle carte agricole (tenant compte à la fois des impacts du changement climatique et des besoins en matière d’exportation), la mécanisation et l’efficience de la production…
Par ailleurs, l’activité agricole reste une clé pour la gestion de l’inflation et pour la compétitivité d’un certain nombre de chaînes de valeurs de l’économie tunisienne. Il est à rappeler, dans ce cadre, que le déficit estimé de la balance commerciale alimentaire devrait atteindre 2.9 Md TND en 2022 (représentant un taux de couverture de 64%).
Les industries non manufacturières (12% du PIB estimé en 2023*) : les filières des industries non manufacturières représentent le plus important coût d’inaction de l’ensemble de l’économie tunisienne. L’incapacité chronique en termes d’extraction et de commercialisation des richesses nationales a un impact direct sur la balance commerciale, les déficits énergétiques, les réserves de changes, l’inflation, etc., ainsi que sur les potentielles activités de transformation industrielle à forte valeur ajoutée qui pourraient en découler.
Les industries manufacturières (17% du PIB estimé en 2023*) : l’industrie représente, pour PBR Rating, le potentiel le plus important pour une croissance stable et pérenne pour les prochaines décennies. La modélisation des opportunités sur les marchés internationaux et les capacités à court et à moyen termes de la production locale font que des filières comme par exemple celles des activités mécaniques et électriques, le textile, la production chimique et pharmaceutique, sont des leviers de création de valeur à consolider et à soutenir pour la viabilité de l’économie et de la cohésion sociale en Tunisie.
Une politique d’industrialisation se doit d’être mise en place sur les mêmes orientations économiques présentées plus haut (investissement et exportation) et doit fondamentalement accaparer un volume majoritaire de tout effort d’endettement national à partir des exercices 2023-2024.
Les services marchands (40% du PIB estimé en 2023*) : premier domaine d’activité de l’économie tunisienne, les services marchands restent une locomotive pour la création de valeur, l’emploi et la régulation des réserves de devises. Les défis de transformation et de pérennisation qui se présentent devant une majeure partie des activités du pôle tertiaire tunisien (tourisme, santé, activités financières, transport et logistique, activités numériques, etc.) représentent des opportunités de mutation et de mise à niveau capables d’assurer 1.5% à 2% de croissance en plus pour l’économie nationale sur les 5 prochaines années.
* le reliquat de création de PIB, étant assuré par les services non-marchands
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