L’agence de notation japonaise R&I dégrade le rating de la Tunisie et de la BCT de B+ à B avec perspective négative (Par Moez Hadidane)

L’agence de notation japonaise Rating R&I (Rating and Investment Information, Inc.) a abaissé le 10 aout 2022, la note émetteur en devise étrangère de la Tunisie et de la Banque centrale à « B » avec perspective négative.

En parallèle, l’agence japonaise, dégrade la note de trois émissions tunisienne sur le marché financier international libellées en JPY de « B+ » à « B » et concerne les lignes suivantes :

  • Samurai 7_20 ans_30 Mrd YJP_3,28%_09/08/2027, soit d’un encours estimé de 703,5 millions de dinars
  • Global Samurai 1-T2_30 ans_15 Mrd YJP_4,3%_02/08/2030, soit d’un encours estimé de 351,8 millions de dinars
  • Global Samurai-2-T2_30 ans_20 Mrd YJP_4,2%_17/03/2031, soit d’un encours estimé de 469,0 millions de dinars

C’est la cinquième dégradation de la note de la Tunisie par l’agence R&I depuis 2019. La dernière révision d la note remonte au 16 novembre 2021, lorsque l’agence a dégradé le rating de la Tunisie et de la BCT de BB- à B+.

Selon le rapport de l’agence R&I, la Tunisie traverse une situation économique difficile face à la détérioration de l'environnement extérieur et à la montée de l'inflation déclenchée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Compte tenu des pressions budgétaires croissantes qui en résultent, il faudra probablement du temps au gouvernement pour assurer une réduction régulière du ratio de la dette publique, qui avait bondi jusqu'au niveau actuel sous la pandémie de COVID-19. Compte tenu de ces facteurs, ainsi que de l'augmentation du déficit courant et de la vulnérabilité croissante aux facteurs externes, R&I argumente la dégradation de la note de la Tunisie.

R&I considère que pour restaurer une stabilité de la notation future de la Tunisie, il est indispensable de parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) dans les discussions sur l'aide financière demandée par le gouvernement tunisien. Bien que les pourparlers soient en cours à ce stade, il est difficile de voir si le gouvernement peut garantir un accès continu à l'aide financière du FMI même s'il parvient à un accord, compte tenu de l'aggravation de l'incertitude politique et sociale. À cet égard, la perspective de notation est négative.

Cependant, le PIB reste à un niveau bien inférieur à celui précédant la pandémie. En 2022, la croissance économique du pays est entravée par des facteurs restrictifs tels que l'accélération de l'inflation alimentée par la hausse des prix mondiaux de l'énergie et des denrées alimentaires, ainsi que le ralentissement économique en Europe, qui est un important importateur de biens et services tunisiens. L'invasion militaire russe de l'Ukraine jette une ombre sur l'avenir du tourisme, une importante source de devises étrangères pour le pays. L'économie devrait ralentir par rapport à l'année précédente et le gouvernement a annoncé une révision à la baisse de la prévision du taux de croissance du PIB réel pour cette année, qui est maintenant projeté à 2,6 %. La prévision du FMI est de 2,2%. À partir de 2023, le pays devrait connaître une croissance du PIB à un rythme modéré de 2 à 3 %, alors qu'elle pourrait changer en fonction de l'évolution de la demande extérieure et de l'état de la politique intérieure.

La hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation poussera probablement le déficit du compte courant à près de 10 % du PIB en 2022, contrairement à 2021 où le déficit était tombé à 6 %, reflétant la contraction du déficit commercial résultant de la faiblesse de la demande intérieure due notamment à la pandémie de COVID-19. Le déficit courant pourrait se maintenir à un niveau élevé en fonction de l'évolution des prix des matières premières. La dette extérieure est élevée, la dette extérieure à court terme se situant à un niveau qui pèse très lourdement sur les réserves de changes.

Le déficit budgétaire est tombé à 7,7 % du PIB en 2021, après avoir explosé à 9,7 % en 2020 dans une économie stagnante et en raison des dépenses budgétaires en réponse à la pandémie de COVID-19. Pour 2022, le gouvernement avait prévu un déficit budgétaire de 6,7%. La hausse des prix de l'énergie entraîne une hausse des recettes fiscales et non fiscales connexes, qui s'accompagne d'une augmentation des dépenses de subventions. Bien que le gouvernement tente de freiner les dépenses, le déficit augmentera probablement à un niveau bien supérieur à la projection initiale du gouvernement. Le déficit budgétaire devrait persister à un niveau élevé à partir de 2023, à moins que des mesures audacieuses ne soient prises pour limiter les dépenses en subventions et en salaires du gouvernement, afin d'atténuer les pressions sur le solde budgétaire.

La dette publique a bondi à 79,4 % du PIB à la fin de 2021, résultant de la détérioration du solde budgétaire au cours des dernières années. Il devrait dépasser 80 % d'ici la fin de 2022. R&I estime qu'il faudra un certain temps avant que le ratio de la dette publique ne commence à baisser à un rythme régulier, en partie parce que l'économie est moins susceptible d'atteindre un niveau élevé de croissance durable due à la restriction des problèmes structurels.

Le gouvernement tunisien sollicite un soutien financier du FMI. Pour un pays qui gère simultanément des déficits budgétaires et courants, il est essentiel d'assurer un soutien financier du FMI afin de maintenir un environnement de financement stable. Le gouvernement prévoit d'introduire un programme de politiques économiques pour réduire les dépenses de subventions, réduire les salaires des fonctionnaires et réformer les entreprises publiques, entre autres mesures. S'il est mis en œuvre à grande échelle, le programme pourrait produire des résultats positifs en allégeant le fardeau des dépenses budgétaires et en renforçant le potentiel de croissance de l'économie.

Cependant, il est difficile de prévoir à ce stade si le gouvernement en quête d'une plus grande autorité en vertu de la nouvelle constitution est en mesure de faire avancer les mesures prévues tout en maintenant la stabilité sociale. Les regards sont tournés vers l'évolution des pourparlers avec le FMI sur l'aide financière, ainsi que sur la situation politique et socio-économique du pays.

 

 

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