Une nouvelle évaluation des dommages et des besoins effectuée après l’explosion du 4 août qui a secoué la ville de Beyrouth appelle à reconstruire le Liban en mieux sur la base des principes de transparence, d’inclusion et de responsabilité, en vue de répondre aux demandes et aspirations du peuple libanais.
Pour aider à orienter la réponse mondiale nécessaire d’urgence, le Groupe de la Banque mondiale, en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Union européenne (UE), a procédé à une évaluation rapide des dommages et des besoins (désignée par son sigle en anglais RDNA) en partenariat étroit avec les ministères, les organisations de la société civile et d’autres parties prenantes clés au Liban.
Selon les estimations préliminaires de l’évaluation, l’explosion a causé des dommages matériels de l’ordre de 3,8 à 4,6 milliards de dollars, tandis que les pertes, notamment les variations dans les flux économiques résultant de la baisse de la production des différents secteurs de l’économie, représentent entre 2,9 et 3,5 milliards de dollars. Les secteurs les plus gravement touchés sont le logement, les transports et le patrimoine culturel matériel et immatériel (dont les sites religieux et archéologiques, les monuments nationaux, les théâtres, les archives, les bibliothèques et autres monuments).
Les besoins de reconstruction et de relèvement du secteur public pour cette année et la suivante sont estimés représenter entre 1,8 et 2,2 milliards de dollars, dont 605 à 760 millions de dollars dans l’immédiat, à savoir jusqu’en décembre 2020, et 1,18 à 1,46 milliard de dollars à court terme pour l’année 2021. Le secteur des transports affiche les besoins les plus élevés, suivi par la culture et le logement.
Bien que ses estimations soient préliminaires en raison du caractère rapide de l’évaluation qui a été menée en coopération avec des partenaires dans des circonstances difficiles, la RDNA jette les bases d’un programme de réforme, de relèvement et de reconstruction qui offre l’espoir d’un avenir meilleur à tous les Libanais, dans lequel le peuple libanais est appelé à jouer un rôle décisif .
L’explosion a entraîné trois effets économiques majeurs : les pertes d’activité économique causées par la destruction du capital physique, les perturbations des échanges commerciaux et la perte de recettes budgétaires. Même avant l’explosion, le Liban était confronté à de multiples crises aggravées par plusieurs facteurs : un taux de croissance du PIB réel négatif à deux chiffres prévu pour 2020, favorisé par les retombées du conflit en Syrie qui a conduit le Liban a accueillir sur son sol la plus grande population de réfugiés par habitant dans le monde ; une crise financière et économique caractérisée par un secteur financier affaibli, une crise monétaire, un taux d’inflation très élevé et un défaut de paiement de la dette souveraine ; et les effets de la pandémie de COVID-19. Non seulement la catastrophe va exacerber la contraction de l’activité économique, mais elle va également aggraver la pauvreté, qui touchait déjà 45 % de la population juste avant l’explosion.
Selon les estimations, les besoins critiques de relèvement pour les trois prochains mois seulement représentent entre 35 et 40 millions de dollars, un montant qui devra servir à effectuer dans l’immédiat des transferts sociaux à grande échelle afin de répondre aux besoins fondamentaux des 90 000 personnes sinistrées, et de créer 15 000 emplois de courte durée. Ces estimations prennent également en compte la fourniture d’abris aux ménages déplacés, à faible revenu et à revenu moyen les plus vulnérables, ainsi que la réparation des logements des ménages à faible revenu légèrement ou partiellement endommagés. Quant aux besoins immédiats de logement, ils sont estimés entre 30 et 35 millions de dollars, alors que les besoins à court terme pour l’année 2021 se situent entre 190 et 230 millions de dollars. En outre, une aide financière de 225 à 275 millions de dollars est nécessaire dans l’immédiat pour rétablir les services de 5 200 microentreprises et 4 800 petites entreprises qui emploient des milliers de Libanais. Ces subventions et prêts à des conditions de faveur pour le relèvement des petites entreprises couvriront les besoins de reconstruction, d’équipement et de fonds de roulement nécessaires à la reprise de l’activité et au maintien des effectifs.
Les efforts de reconstruction nécessiteront non seulement la remise en état et la reconstruction des bâtiments et des infrastructures endommagés, mais aussi le rétablissement des institutions et des structures de gouvernance. Dans le secteur portuaire par exemple, le rapport recommande qu’au-delà des travaux d’urgence nécessaires pour assurer les importations vitales du Liban, le port soit reconstruit selon une vision globale et moderne, qu’il soit mieux situé et dimensionné, et qu’il soit régi selon les pratiques les plus efficaces et les plus transparentes.
La RDNA recommande l’adoption d’une approche visant à « reconstruire en mieux », laquelle est basée sur un cadre de réforme, de relèvement et de reconstruction combinant des interventions qui donnent la priorité aux besoins de la population, en particulier des couches pauvres et les plus vulnérables. Ce cadre s’articule autour de réformes structurelles visant la stabilisation macroéconomique, la gouvernance, l’environnement opérationnel du secteur privé et la sécurité humaine. Les réformes souhaitées devraient permettre de prévenir la corruption et briser l’emprise de l’élite.
Compte tenu de l’insolvabilité du Liban et de son manque de réserves de change, l’aide internationale et l’investissement privé seront essentiels pour assurer un relèvement et une reconstruction complets. Le pays devra impérativement mettre en œuvre un programme de réformes crédible, essentiel pour accéder à l’aide internationale au développement et débloquer des sources de financement extérieures et privées.
La Banque mondiale, l’Organisation des Nations Unies et l’Union européenne sont résolument déterminées à travailler de concert avec les autorités et le peuple libanais afin de reconstruire un meilleur Liban qui place les besoins de sa population au premier rang de ses priorités.
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