Dans sa note de synthèse, relative à l’étude portant sur les freins et obstacles à l’exportation au niveau des PME tunisiennes, la CONECT souligne le contexte économique très difficile que vit la Tunisie, et qui s’explique en partie par le déficit de la balance commerciale, déficit dû bien entendu à l’accroissement des importations, mais aussi à la faiblesse du niveau des exportations tunisiennes en comparaison au potentiel du pays.
La libéralisation des échanges est aujourd’hui une tendance irréversible dans le monde. Avec l’étroitesse de son marché (uniquement onze millions de consommateurs), la Tunisie n’a d’autres choix que d’améliorer ses performances à l’export.
C’est dans ce contexte, que cette étude a été réalisée, afin d’identifier les freins et les obstacles auxquels font face les petites et moyennes entreprises tunisiennes, que ce soit à leur propre niveau ou au niveau de leur environnement. Cette étude vise aussi à initier une réflexion sur la stratégie à mettre en place et les réformes à envisager pour améliorer les performances de notre économie à l’export et lui donner toutes les chances de réussite.
L’étude a montré qu’uniquement 16,3% des entreprises réalisent ou ont réalisé dans le passé des opérations d’export (dont 1,3% sont totalement exportatrices). Il est à noter qu’une bonne partie de ces entreprises est liée à des groupes étrangers.
Plus saisissant encore, 61% des entreprises étudiées n’ont jamais fait d’export et n’envisagent même pas de se lancer dans une activité pareille. Ces résultats montrent le chemin qui reste à faire pour améliorer les performances de notre pays via le développement de l’export au niveau des entreprises.
Les freins mis à jour par l’étude peuvent être regroupés en deux grandes catégories ; des freins au niveau de l’entrepreneur et des freins au niveau de l’environnement.
Au niveau de l’entrepreneur, nous distinguons plusieurs facteurs. Le premier est l’ouverture à l’international de l’entrepreneur. Des études à l’étranger, combiné à une première expérience à l’international, semblent favoriser des compétences et doter l’entrepreneur d’un réseau lui permettant ensuite d’aborder plus aisément le marché international.
Le deuxième facteur explicatif porte sur la vision qu’a l’entrepreneur de l’activité export. On note trois visions différentes : dans la première vision, l’activité est déjà pensée et conçue dès le départ pour le marché international, la Tunisie est juste une localisation géographique et un des marchés potentiels comme le reste des autres pays. Pour ces chefs d’entreprises, le marché potentiel c’est le monde. La deuxième vision considère l’export uniquement entant que solution alternative au développement sur le marché tunisien. La troisième vision est présente au niveau des entreprises qui considèrent l’export comme la phase finale de leur développement, il est conçu pour pouvoir répondre à une demande internationale que l’entreprise ne cherchera à satisfaire qu’une fois bien implantée sur le marché local. La première vision semble surtout caractériser les entreprises de services, la deuxième serait valable pour une majorité d’entreprises quel que soit leur domaine d’activité alors que la troisième caractérise un certain type d’entreprises de production.
Au niveau de l’échantillon des entreprises exportatrices étudiées, uniquement 15,7% se caractérisent par la première vision, 73,2% sont représentatives de la deuxième et enfin 11,0% représentent la troisième vision, celle où l’export n’est pas prévu au départ mais a été réalisé ensuite dans une logique de développement.
Les trois premières motivations pour l’export sont surtout le besoin d’accroitre le CA pour 31,1% des entreprises exportatrices, 24% justifient cela par la baisse du dinar et enfin pour 23,3% l’export n’obéissait à pas une volonté mais plutôt répondait à une demande venant de l’étranger. Les autres motivations sont très loin derrière. Notons que l’aide de l’état comme motivation à l’export, n’est cité que par uniquement4%.
Deux profils d’entrepreneurs se dessinent à priori à partir des caractéristiques explorées, à savoir :
L'entrepreneur dans l'âme ou proactif et l'entrepreneur réactif ou traditionnel.
Le premier est dynamique et toujours à la recherche d'opportunités. Il compte plutôt sur lui-même et sur la qualité de ses produits/services et n’attend pas d’aide particulière de la part de l’état. Il part d’une réflexion stratégique qui précède le passage à l’action et choisit ses marchés en fonction de son offre. Il demande juste à l'état d’agir sur les freins qui ne sont pas sous le contrôle de l’opérateur économique.
Pour le second, le parcours est différent, il s’est développé dans des conditions plus favorables. L’export est plus une contrainte qu’un choix pour lui et il s’attend à ce que l’état l'aide et le « récompense » pour son choix d’exporter. Il s'aventure peu en dehors des marchés traditionnels classiques et risque d’abandonner devant les difficultés.
Au niveau de l'environnement de l'entreprise, on distingue l'environnement local et l'environnement international. Les freins les plus cités par les entreprises concernent l’environnement local. A ce niveau, les chefs d'entreprises citent les difficultés liées à la gestion d’une entreprise en Tunisie, tel que la mauvaise qualité des réseaux des TIC, l'insuffisance des moyens financiers dont ils disposent pour développer leur entreprise, le manque de ressources humaines compétentes qui sont devenues rares et peu fidèles (dans certains secteurs tel que les TIC, les chefs d'entreprises se plaignent de la concurrence des sociétés étrangères qui recrutent à tour de bras les compétences en informatique) auxquels s'ajoute des coûts de prospection à l’étranger très élevé surtout après la dévaluation du dinar, et enfin les coûts d'adaptation des produits pour certains marchés exigeants.
Pour les chefs d’entreprise les variables qui rendent cet environnement peu favorable concernent : l’instabilité sociale et économique qui dure depuis un certain temps, le cadre administratif, réglementaire et légal dépassé et/ou inadéquat, une administration plus adaptée au modèle initial de développement des années 70 plutôt qu’aux besoins de notre époque, des insuffisances au niveau du transport et de la douane et l’implication du système bancaire.
Pour le transport, les entreprises pointent du doigt aussi bien le transport aérien que le transport maritime. Pour le transport aérien, c’est d’une part, la gestion peu efficace de l’aéroport avec tous les services annexes défaillants (taxis, wifi, cafés, …) qui donne une mauvaise image du pays aux visiteurs et partenaires étrangers et d’autres part, l’insuffisance de lignes pour les destinations classiques, le peu de destinations vers les dessertes des principaux aéroports africains et enfin la faible offre pour le cargo. D’autre part, le transport maritime présente plusieurs défaillances : un coût de transport élevé, même pour les destinations proches, avec de très longs délais de traitement qui handicapent les opérations d’export, un système technique et informatique dépassé qui devient source de blocage lorsqu’il y a des pannes, des formalités douanières lourdes avec une certaine nonchalance des agents alors que l’urgence est de mise lors des opérations d’export. Enfin, des conditions d’hygiène catastrophiques avec un accès limité au port alors qu’il devrait être accessible 7jours/7 et 24 heures/24. Enfin, nombreux sont ceux qui pointent les problèmes de corruption auxquels ils font face à tous les niveaux du port. Les services de douane semblent représenter un obstacle de taille pour les entreprises de production.
Au niveau de l’environnement local, on retrouve aussi des critiques par rapport aux banques de la place. Les banques sont considérées comme des partenaires, ne jouant pas réellement le rôle qu’ils pourraient jouer dans le développement des entreprises à l‘international. Elles sont jugées trop chères avec une grande lourdeur administrative au niveau des opérations bancaires et un manque de compétence aux niveaux des crédits documentaires. Au-delà des banques, les opérateurs pointent du doigt le manque chronique de devises et les difficultés de les faire sortir et rentrer au pays (suspicion de blanchiment d’argent).
Pour les organismes de soutien, on leur reproche l’absence de vision stratégique. Leur rôle se limite à la promotion plutôt qu’à une véritable assistance aux entreprises exportatrices. Des organismes dont les interventions se chevauchent quelquefois, mettant à jour le manque de coordination entre eux. Tous cela sans un véritable apport informationnel et surtout sans véritable vision stratégique.
Les principaux problèmes résident toutefois dans une mentalité peu propice à la coopération et au co-développement et surtout l’absence d’une stratégie globale pouvant servir de toile de fond au développement international des petites et moyennes entreprises.
Au niveau de l’environnement international, les chefs d’entreprises se plaignent du potentiel non optimisé des représentations diplomatiques. Ces représentations, outre leur rôle diplomatique, auraient dû servir comme support et source d’informations aux entreprises désireuses de s’implanter à l’étranger. Elles pourraient en effet palier à la méconnaissance culturelle des pays prospectés et être une source d’informations sur ces pays.
On remarque aussi parmi les freins à l’export des produits tunisiens l’absence de made in associé à notre pays. En effet, l’image cheap et low-cost de certaines productions nuit à certains produits à forte valeur ajoutée, combiné à l’absence de savoir-faire dans la création de marque forte. Aujourd’hui, la question qui se pose est : doit-on produire ou construire des marques. Doit-on exporter ou s’internationaliser ?
Enfin, l’étude met en avant l’absence d’une vision et d’une stratégie cohérente et globale pour l’export aussi bien au niveau des entreprises qu’au niveau de l’état.
Les opérateurs ont toutefois présenté un certain nombre d’attentes et de recommandations susceptibles de créer les conditions favorables au développement de l’export.
Ces recommandations touchent quasiment tous les points cités au niveau des difficultés et freins rencontrés au niveau de l’environnement local, elles présentent aussi l’avantage de regarder en avant et de dépasser le clivage de la recherche des responsabilités pour aller plutôt vers des propositions pratiques.
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