L'intermédiaire en Bourse MAC S.A publie son bulletin économique pour le mois de janvier 2016, consacré à la fin de la normalisation de la politique monétaire américaine. Le document étudie la fin de la politique monétaire accommodante de la FED après sa décision de relever ses taux, et les implications sur l’économie tunisienne.
Certes, les retombées du durcissement de la politique monétaire américaine sur la Tunisie demeurent minimes si nous les comparons aux effets déstabilisateurs affectant certains pays du Golfe, d’Amérique Latine ou d’Asie : des sorti es massives de capitaux et une forte dépréciation du taux de change, … Des pays déjà largement fragilisés par l’effondrement des prix des matières premières. Le durcissement de la politique de la FED affecte l’économie tunisienne via plusieurs canaux.
D’abord, Le changement de cap de la politique monétaire de la FED a rapidement déclenché des mouvements de sorti es massives de capitaux du monde émergent et un retour vers les Etats-Unis. Ce positionnement sur le dollar a provoqué la montée des pressions baissières sur les devises émergentes et l’appréciation de la monnaie américaine. Une telle appréciation serait certainement désinflationniste aux Etats-Unis, dans la mesure où elle empêche l’inflation de flamber pour retrouver rapidement son objectif de 2%. Mais elle serait génératrice de poussées inflationnistes (inflation importée) en Tunisie, empêchant l’inflation de percer à la baisse la barre de 4%. De même, elle serait déstabilisante pour le budget de l’Etat de 2016 qui repose sur un dollar à 1.97 TND alors qu’il a déjà franchi la barre des 2 dinars, avant la décision de la FED.
L’appréciation du dollar et le renchérissement de la facture des importations de produits de base pourraient être néfaste aussi bien pour la balance courante que pour le budget de l’Etat. D’une part, la montée des cours exprimés en dinars renchérit la facture des importations et creuse, de ce fait, le déficit courant. Ainsi, l’effet positif de l’appréciation du dollar sur la compétitivité des produits tunisiens, sera largement absorbé par le renchérissement des importations. D’autre part, le renchérissement du prix des produits importés pèsera sur le budget alloué aux subventions et mettra davantage de pression sur les finances publiques. Fort heureusement, la chute des cours observée sur le marché pétrolier ne pourrait qu’adoucir l’effet négatif provoqué par la hausse du dollar.
Avec une dette externe dont le tiers est libellé en dollar, l’appréciation du billet vert pèsera lourd sur le budget de l’Etat. Rappelons qu’une appréciation du dollar face au dinar de 10 millimes fait supporter à la Tunisie un coût supplémentaire de 20 millions de dinars, souligne MAS S.A. Certes, le trend baissier de l’euro et la chute du prix du baril de pétrole arrivent aujourd’hui à neutraliser partiellement l’effet dollar sur les finances publiques. Chose qui n’est pas garantie pour 2017. Car si la reprise ferait son apparition en Europe et dans le monde émergent, la normalisation des taux, surtout en Europe, pourrait pousser les taux longs vers des niveaux plus élevés et mettre l’euro sur un trend haussier, compliquant davantage l’équation de la dette tunisienne. Comme le relèvement des taux directeurs américains a une portée planétaire. L’appréciation du dollar par rapport aux autres devises finira par pousser d’autres banques centrales, surtout celle dont la monnaie est ancrée sur le billet vert, à relever leurs taux directeurs. Ce qui est de nature à durcir les conditions de financement bilatéral pour la Tunisie.
La transmission des taux courts (du marché monétaire) au taux longs (du marché obligataire) pourrait renchérir les conditions d’emprunt sur le marché international, et du coup, la Tunisie serait forcée d’emprunter à un coût élevé. Car les taux longs américains restent la référence sur le marché obligataire international.
Par ailleurs, Les Etats-Unis ainsi que les monnaies ancrées sur le dollar seront les plus attractives pour l’investissement étranger (IDE et IDP). Anticipant l’appréciation du dollar, les bailleurs de fonds internationaux seront de plus en plus tentés de réorienter leurs flux d’investissement vers les actifs en dollars. De ce fait, dans un environnement marqué par une réallocation des portefeuilles internationaux au profit du dollar et des monnaies ancrées sur le billet vert, la Tunisie ne pourrait pas espérer séduire facilement les bailleurs de fonds étrangers, estime l’intermédiaire en Bourse.
Au total, MAC S.A relativise les effets du changement de la politique monétaire américaine sur la Tunisie, qui ne seront pas d’une grande importance, au moins pour 2016, conclue la note, et cela pour un certain nombre de raisons. D’abord, les marchés (devises et taux) ont largement intégré l’entrée de la FED dans un cycle haussier de taux avant même la décision du 16 décembre. Ensuite, il ne faut pas surestimer le risque d’une hausse des taux longs qui finira par renchérir le coût des sorties de la Tunisie sur le marché international. C’est du côté du spread sur la Tunisie qu’il faut rechercher le risque de majoration du coût de l’emprunt tunisien, et non sur le marché obligataire américain. Car l’engouement des investisseurs pour les positions acheteuses en dollars reste intact, compte tenu de la faiblesse des rendements des titres longs japonais et européens. Un tel engouement permettrait de contenir la hausse des taux américains. Enfin, le fléchissement de la croissance dans le monde émergent et l’incapacité de la zone euro de sortir des méandres de la croissance anémique, pèseront sur les perspectives de la croissance américaine et de l’inflation, ce qui ne pourrait que plaider pour un rythme de normalisation beaucoup plus lent. Bref, un rythme de resserrement monétaire agressif, de la part de la FED, n’est pas à l’ordre du jour, pour 2016. Tous les scénarios resteront envisageables en 2017.
Télécharger le bulletin économique du mois de janvier 2016 de MAC S.A