Le premier forum de l’Association des Bourses francophones d’Afrique (ABFA) s'est tenu à Tunis à l'initiative de la BVMT autour du thème «Bourse et PME : entre exigences et réalités», traitant des obstacles qui entravent aujourd'hui l'accès des PME au marché financier les poussant à recourir au système bancaire comme principale source de financement, qui toutefois ne peut couvrir indéfiniment les besoins de plus en lus croissants.
Dans son allocution, le Directeur Général de la Bourse de Tunis, Bilel Sahnoun, a évoqué les barrières à l'entrée des PME sur le marché financier, souvent rébarbatives avec l'obligation de respecter des dispositifs réglementaires et une obligation de communication contraignants. C'est dans ce cadre que s'inscrit ce forum, a insisté Bilel Sahnoun, il s'agit d'une occasion pour transposer les expériences des différents pays en la matière, d'autant plus que la francophonie a sensiblement rapproché les droits civils et commerciaux. La Tunisie a titre d'exemple a lancé une initiative avec la collaboration et le coaching d'Euronext pour favoriser le financement des PME par le marché et la conception d'un kit d'accès au marché associant les différents acteurs de l'écosystème entrepreneurial. Pour cela, un comité de place a été créé, a rappelé Sahnoun, comportant un premier tour de table réunissant la Bourse de Tunis, le ministère des Finances, le CMF, la BCT, le ministère de l’industrie, les banques, les intermédiaires en Bourse et les acteurs du capital investissement.
Intervenant à son tour, l'ancien ministre des finances, Jalloul Ayed a rappelé que le problème des PME était récurrent "qui donne l'impression qu'on cherche la ligne droite sur la quadrature du cercle" a-t-il indiqué, les solutions proposées ne se concrétisent souvent pas dans les programmes de développement des pays. Dans le cas de la Tunisie, 95% du tissu économique est composé de PME, qui représente plus de 70% de la main d'œuvre et 45% du PIB tunisien, en l'absence d'une stratégie nationale, leur problématique a essentiellement été abordée du point de vue du financement bancaire et les difficultés y afférant, ce qui est certes vrai avec seulement 15% de crédits bancaires accordés aux PME, mais qui éclipse un problème beaucoup plus, à savoir que les PME n’ont pas accès au marché des fonds propres, un problème qui se pose tout au long de la chaine d’évolution de la PME et bien avant d’arriver à la question de la Bourse. Sur cette chaine il faudrait un mécanisme d'incubation et de conseil pour le lancement des PME, vient ensuite la phase de Bootstrapping, ou autoamorçage, a expliqué Jalloul Ayed, une étape où l'entrepreneur essaie de collecter des fonds, c'est en général là où commence à se faire sentir la nécessité d'avoir accès au premier maillon du marché financier à savoir les investisseurs privés ou les Business Angels...Ce n'est qu'au bout de ses phases que le système financier doit pouvoir répondre aux besoins de financement des PME, c'est l'étape du Capital Investissement. Le problème dans nos pays est que le marché des fonds propres pour les PME ne s'est pas développé correctement, il fallait par exemple encourager le développement des fonds d'investissement, avec un rôle important du gouvernement, celui de créer des institutions comme l'est le cas de la CDC dans le cas de la Tunisie, qui a contribué à la création de plusieurs fonds surtout régionaux, ce n'est toutefois que le début, a-t-il ajouté.
L'intervention de Pierre Ekoulé Mouangué, Directeur Général de Douala Stock Exchange (DSX), a indiqué que les PME représentait 97% des entreprises en activité au Cameroun, une tendance que l’on retrouve dans plusieurs autres pays francophone d'Afrique, les PME souffre d'une part de financement par les marchés de capitaux très faible, voir insignifiante. Il a invité les présents à faire une revue des expériences des différents participant et d'explorer par la suite, les voies d'adaptation à chaque pays, susceptibles de sortir les PME de la dépendance envers les instruments classiques de la dette pour satisfaire les besoins qu'ils soient de démarrage, de trésorerie ou d'investissement.
Prenant la parole, Badr Benyoussef, Directeur du Développement de la Bourse de Casablanca a assimilé le forum à une thérapie de groupe, vu que les marchés subissent les mêmes problèmes. Cela fait une dizaines d'années que la Bourse de Casablanca s'est penchée sur la problématique des PME constatant par la suite que le travail exclusivement sur l'infrastructure du marché ne donne rien, de fortes initiatives fiscales ont ensuite été prises, toujours sans résultat, le fisc trouvant toujours le moyen de récupérer ses dus explique-t-il. Il a été ensuite décidé de prendre en charge à hauteur de 45 mille € par la Bourse de Casablanca, tous les travaux permettant aux PME de s'aligner aux conditions d'une entreprise cotée, un produit qui existe depuis 5 ans mais qui n'a toujours pas été réclamé par des PME. Il fallait donc travailler sur le terrain pour promouvoir la Bourse auprès des entrepreneurs, en s’alliant avec des opérateurs de proximité existant, à l’image des centres régionaux d’investissements marocains, des fédérations du patronat opérant dans les régions, un travail qui a commencé il y a 5 ans, mais qui n’a jusque là engendré qu’une IPO par an en moyenne explique Benyoussef.
La Bourse de Casablanca a ensuite décidé d’aller plus loin, en travaillant sur l’accompagnement en amont, il est en effet capital pour Badr Benyoussef que le travail avec une PME commence 4 voire 5 ans avant son arrivée sur le marché (financier dans sa globalité), c’est pourquoi la Bourse de Casablanca s’est associée à l’Agence Nationale de la Petite et Moyenne Entreprise, qui dépend du ministère du commerce, pour créer un programme d'accompagnement avec la désignation de conseillers. Parallèlement, un travail de benchmarking a permis de mettre en place un programme « Elite » à l’image de ce qui s’est fait en Italie d’abord avant de s’ étendre à une vingtaine de pays aujourd’hui, l'objectif étant de familiariser l'entrepreneur avec des concepts financiers, comme le Business Plan, l'évaluation etc, ce qui lui permettra de choisir le type de financement adéquat. Ce programme a permis la création d’un réseau qui compte aujourd’hui une centaine d’investisseurs, 300 entreprises et 150 partenaires.