Au cours du 1er Trimestre 2015, la bourse tunisienne, a confirmé la tendance haussière de fin 2014. Sur les deux premiers mois de l’année, l’indice Tunindex a accumulé des gains successifs de 2,55% et 4,26% avant de reculer de 2,38% sur le mois de mars. Il termine ainsi le trimestre sur un rendement de 4,38%, contre respectivement 4,79% et 3,19% pour la même période de 2014 et 2013. Cette physionomie est quasi-similaire à celle enregistrée l’année dernière. Sur le plan politique, les deux périodes ont connu des discussions assez intenses pour la composition de nouveaux gouvernements. Au 31 mars 2015, le volume des transactions sur la cote de la bourse (actions, droits et obligations) a atteint 523,8 MDT contre 584,4 MDT et 371,6 MDT pour les années 2014 et 2013 (1er trimestre).
Les investisseurs locaux et étrangers se sont manifestés au cours de ces trois premiers mois de l’année après une pause qui a duré plus de 15 mois au cours des années 2013 et 2014, saluant par leur retour le succès de la transition politique en Tunisie. A partir de fin octobre, début novembre 2014, on a senti une forte amélioration du sentiment général sur la place de Tunis. Mais gardant à l’esprit, la précarité de la situation, les investisseurs ont jeté leur dévolu sur les secteurs défensifs, Banques, agro-alimentaires et services aux consommateurs.
Les estimations sur les réalisations économiques de l’année 2014 ont commencé à tomber dés le début du trimestre. Le tableau ressort en demi-teinte. La situation économique du pays n’a pas connu de forte dégradation en 2014, mais n’a pas, non plus, atteint les objectifs souhaités, pourtant le contexte général était moins turbulent, en l’absence d’événements tragiques comme en 2013. Ainsi, les derniers chiffres communiqués montrent que le PIB a maintenu un taux de croissance de 2,4% révisé à 2,5%. Cette croissance, en termes réels, demeure, en deçà des 3,8% annoncé dans le budget économique. Selon les experts internationaux, la Tunisie, en pleine transformation politique et économique depuis quatre ans, et qui plus est confronté à une crise économique aigue dans l’espace européen, est loin du spectre de la récession qui plane sur beaucoup de pays. Cette réalisation, jugée acceptable par les plus sceptiques, est attribuée à la hausse de la valeur ajoutée agricole de prés de 2,8% et celle des services marchands de 3,2%. La croissance reste néanmoins pénalisée par les industries extractives, qui ont reculé de 0,9%, et manufacturières évoluant de 1,5% seulement. A la lumière de ces chiffres, les responsables du FMI ont salué cette résilience de l’économie tunisienne qui affiche des réserves de changes constamment au dessus du seuil critique de 3 mois et une inflation maitrisée aux alentours de 5%. Donc, tout porte à croire que depuis la fin de l’année 2014, les facteurs favorables, politique en premier lieu, ont commencé à prendre le dessus sur les facteurs défavorables. L’indice boursier tunisien comme tout indicateur avancé très pertinent de la perspective économique générale, n’a pas dérogé à la règle, même s’il n’a pas connu une embellie spectaculaire postélectorale. Il est vrai que les indicateurs trimestriels du 4éme trimestre 2014 ont été très encourageants, atténuant les craintes et les incertitudes.
En réponse à la conjoncture générale, le maintien d’un certain niveau de confiance pour les secteurs résistants et performant est le constat majeur de ce premier trimestre, ajouté à cela, le retour des investisseurs étrangers sur les valeurs de rendement dans une perspective à long terme. L’indice bancaire, le plus pesant dans la capitalisation totale du marché tunisien, a gagné 5,03% depuis le début de l’année, limitant ses pertes sur le mois de mars à 0,93%. BNA a alimenté cette tendance, en reprenant 24,87% sur ses niveaux de fin décembre 2014, pour finir à 9,490 DT, passant par un plus haut de 9,990 DT. Le titre a bénéficié d’intérêts acheteurs en prévision de ses résultats 2014, annoncé en territoire positif après la débâcle de 2013. De même, Banque de l'Habitat, dont l’AGO 2013 a été tenue en retard d’une année, pour divulguer un exercice déficitaire de prés de 220 MDT, a repris 24,88% à 12,800 DT, en prévision de la prochaine augmentation de capital qui se fera à un prix d’émission de 11 DT. Attijari Bank a maintenu un momentum positif, gagnant 12,76% à 26,950 DT (plus haut à 28,420 DT). Mais, le retour en force d’ATB et UIB a donné réellement de l’envergure à cette performance sectorielle. Longtemps chahutées, les deux valeurs ont marqué des hausses de 7% respectivement à 4,700 DT et 15,790 DT. BT, BH et Attijari Bank ont été les valeurs bancaires les plus échangées avec des volumes respectifs de 19,6 MDT, 18 MDT et 16,7 MDT.
Dans l’agroalimentaire et les boissons, SFBT, a drainé le plus fort échange avec plus de 4,7 millions de titres changeant de mains pour un volume de 126,5 MDT. La valeur a bénéficié d’une forte tendance spéculative dans le sillage de l’information qui a circulé sur la suppression de certaines barrières réglementaires par le gouvernement sortant. Les étrangers semblent prendre le relais. Le cours a construit de nouveaux supports autour de 27 DT (+20%) après avoir testé la barre haute de 31,5 DT durant son parcours spectaculaire. Delice Holding a contribué à la fermeté de la tendance sectorielle, retrouvant des niveaux appréciables à plus de 17 DT. Le titre, bien entouré par des achats étrangers portant sur plus de 1,1 million de titres, a gagné 12,61% à 17,060 DT. Land’or a récupéré +28% à 6,940 DT, après l’annonce que les pourparlers avec un fonds d’investissement étranger avancent dans le bon sens et qu’un «Term-sheet» a déjà été signé.
Dans un autre registre, certaines autres valeurs de l’industrie ont marqué des retours sur repli, à l’image de SAH (+12,7%) à 11,8 DT, touchant un plus haut à 13 DT et SOMOCER +22,3% à 3,070 DT emporté par un courant acheteur sur plus de un million de titres et un volume de transactions de 25,3 MDT.
Parmi les perdants de la cote, Carthage Cement, a chuté de 21,07% à 1,910 DT, passant d’un plus haut de 2,5 DT à un plus bas de 1,84 DT dans un volume de 43,3 MDT. Le titre souffre de la forte incertitude autour de sa capacité à générer des flux opérationnels positifs conformément au business plan arrêté par l’ancien management. Le secteur cimentier reste tributaire de la dérégulation, chose qui est loin de se réaliser après la mise en place du nouveau dispositif d’homologation des prix de vente au détail par l’Etat actionnaire. Un fait du prince qui ne plait pas beaucoup aux investisseurs. Tunis Re a dégringolé de 20,1% à 7,950 DT dans le sillage du remplacement de l’augmentation de capital réservée à un partenaire stratégique par une augmentation en numéraire en 25 MDT. La chute aurait pu être plus rude n’eut été l’effort communicationnel fait par son management pour donner les raisons exactes du non aboutissement du processus de recapitalisation.
Pour le reste de l’année, la tendance sera vraisemblablement maintenue positive sur les financières, l’agro-alimentaire et les autres secteurs défensifs et moins bonne pour certains secteurs industriels et services marchands notamment le transport aérien, rudement touché par l’attentat de Bardo, et la Distribution Automobiles, dont le sort reste tributaire de la libéralisation des quotas d’importations. Les secteurs cycliques généralement exposés à la conjoncture internationale connaissent, actuellement, des difficultés internes importantes avec la sous-exploitation des outils de production, engendrant des pertes de productivité exacerbée par la hausse des charges structurelles. TUNISAIR est en plein plan de restructuration qui sera crucial pour assurer son retour à niveau de profitabilité normal. Après l’attentat du 18 Mars vite consommé, les investisseurs attendent, impatiemment, le verdict des états financiers annuels de 2014, mais, surtout les indicateurs trimestriels à partir de la troisième semaine d’avril.
Certains indicateurs d’exploitation sectoriels, notamment des secteurs chimique, agro-alimentaire, matériaux de construction, céramique et verre retiendront l’attention des investisseurs pour déceler l’évolution de la production industrielle surtout après l’inquiétant glissement de l’IPI en fin d’année 2014. La Grande Distribution offrira une vue sur la résistance de la demande intérieure pour les biens de consommation et du pouvoir d’achat du consommateur local. L’électromécanique donnera un aperçu sur l’état des exportations de ce secteur au vu des turbulences connues au niveau du change du dinar contre les grandes monnaies internationales et la situation économique sur les marchés européens récipiendaires.
Loin de la tendance ultrapessimiste de certaines analyses, la bourse pourrait trouver un certain réconfort dans les derniers propos du directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du Fonds Monétaire Internationale, M Masood, qui fonde généralement ses analyses sur un comparatif international transversal. Le haut responsable estime que la Tunisie est en bonne position pour réussir sa transformation économique, en raison des faits mentionnés plus haut. Ces propos ainsi que le relèvement de la note souveraine par Fitch Ratings interviennent, rappelons-le, après les attentats tragique du 18 Mars.
Cela dit, les investisseurs ne sont pas dupes. Ils passeront à la loupe les mesures attendues du nouveau gouvernement et leur impact éventuel sur les équilibres économiques. Les mesures devraient viser à rétablir un bon rythme pour l’investissement privé et l’orienter aux activités créatrice de valeur, abaisser les frais de fonctionnement administratif et à rationnaliser l’endettement futur pour ne pas renchérir le stock de la dette publique actuelle. Dans sa quête d’égalité fiscale et de renflouement de ses caisses par des ressources internes, l’état ne semble pas avoir beaucoup d’alternatives après la levée du secret bancaire et la mise en place de la loi sur l’enrichissement illicite que d’instituer un impôt sur la fortune et de mettre en marche la planche à billet avec de nouveaux billets pour juguler l’évasion fiscale et le shadow banking. La réinsertion des évadés fiscaux pourraient faire redémarrer le moteur de la croissance et baisser les besoins en liquidité sur l’interbancaire, tout en alimentant les canaux légaux de collecte de l’épargne comme la bourse. Tout cela devrait se faire sur fonds de soutien extérieur de la part de la communauté internationale. La belle expérience tunisienne est à la croisée des chemins.
L'équipe Tustex.
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