La Tunisie a connu une année 2014 difficile à plus d’un titre : un calendrier électoral chargé, une économie épuisée, gangrénée par le chômage et en mal de croissance, la perte de pouvoir d'achat et les multiples complications d'une période où l'histoire du pays s'est accélérée comme jamais. Les tunisiens avaient de bonnes raisons d'appréhender l'année 2014, mais il y avait aussi de quoi espérer qu’au bout, la Tunisie se remette sur la voie de la stabilité, du moins politiquement, à l'issue des élections législatives et présidentielles.
La fin de l’année coïncide d’ailleurs avec la proclamation des résultats officiels du scrutin présidentiel et la passation de pouvoir à Carthage entre Moncef Marzouki et Béji Caïed Essebsi, dernière marche avant la tant attendue formation du prochain gouvernement qui devra affronter le cumul de dossiers urgents. Tustex revient sur le bilan économique et politique de l’année 2014 ainsi que les dates qui ont marqué la Tunisie et le monde.
Sortant d'une année 2013 difficile, avec un taux de croissance faible à seulement 2,6%, la Tunisie a vécu sous la coupe d'un paysage politique crispé et d'une situation sécuritaire précaire, en plus d'un malaise social de plus en plus évident avec une inflation insoutenable à 6%, principalement alimentée par les prix des produits alimentaires. Le taux de chômage, certes en baisse d’un point par rapport à 2012, mais toujours important à 15,7%, a été l'autre élément de rupture de ce paysage socio-économique.
Cette situation a fini par venir à bout de la Troïka au pouvoir depuis décembre 2011 et qu'on sentait déjà au bord de l'éclatement depuis plusieurs mois. Mehdi Jomaa et son équipe, appelés en pompiers pour éloigner la gestion du pays des caprices de la classe politique et ses reflexes le plus souvent démagogiques, formaient un gouvernement de technocrates fin janvier 2014. Ce dernier a été chargé de gérer à court terme et de proposer un socle de réformes pour retrouver le plus tôt possible un rythme de croissance conforme au potentiel tunisien, historiquement autour de 5% depuis des dizaines d'années.
Force est de constater que, dix mois plus tard, les sources de faiblesses de l'économie tunisienne se sont aggravées, hormis une détente de l'inflation qui a constamment reculé depuis le mois de juillet 2014 pour revenir à 5,2% à fin novembre. Le déficit commercial continue de se creuser pour atteindre 12 566,3 MD à fin novembre contre 10 541,7 MD sur les onze premiers mois de l'année précédente, soit une aggravation de 19%, et reste dominé par sa composante énergétique à hauteur de 27%. La couverture des importations par les exportations a perdu 3,4 points, à 67,3%, selon les statistiques publiées par l'Institut National de la Statistique (INS).
De cette situation a découlé un déséquilibre sur le marché des changes entre l'offre et la demande et une pression constante sur le dinar tunisien qui s'est déprécié de plus de 20% face à l’euro et de 35% face au dollar en cumul sur les quatre dernieres années. Les récents sursauts enregistrés sur les derniers jours du mois de décembre ne feront qu'atténuer le bilan. Les réserves nationales en devises ont atteint le 25 décembre, 112 jours d’importations, un niveau satisfaisant pour le gouverneur de la BCT, Chedly Ayari, en attendant leur renforcement par l’obtention du reste de la cinquième tranche du prêt de 1,7 milliard de dollars, du Fonds Monétaire International (FMI), entre janvier et mars 2015. Deux autres prêts de 250 millions de dollars pourraient également être accordés à la Tunisie par la Banque Mondiale.
En l’absence d’une vision à moyen terme et dans un environnement national et régional saboté par la flambée du terrorisme, les investissements étrangers ont atteint 1,64 milliard de dinars au terme des onze premiers mois de 2014, contre 1,79 milliard de dinars durant la même période de 2013, soit une baisse de 8,6% en glissement annuel, selon des données publiées par l’Agence Nationale de Promotion de l'Investissement Extérieur (FIPA). Les investissements directs étrangers (IDE) se sont établis à 1,49 milliard de dinars (-10,9% par rapport à 2013) alors que les investissements de portefeuille on atteint 151,9 millions de dinars (+22,5% par rapport à 2013).
De son côté, le tourisme tunisien, qui pèse 7% du PIB et contribue à hauteur de 12,5% à l’emploi, continue de souffrir de sa mauvaise gouvernance et de son faible positionnement, outre la conjoncture politique et sécuritaire. A fin novembre 2014, la Tunisie a enregistré une baisse de 1,7% des entrées touristiques, comparativement à la même date en 2013.
Par ailleurs, les observateurs de l'économie tunisienne s'alarment de la crise structurelle des finances publiques avec la durabilité de l'endettement extérieur, l'encours de la dette contractée à l'étranger atteignant les 35 milliards de dinars, soit le double des recettes extérieures du pays. Des ressources d’emprunt supplémentaires de 7,568 milliards de dinars sont attendues pour le financement du budget de l’Etat 2015, adopté le 10 décembre par l’APR et prévu à 29 163 milliards de dinars, soit une hausse de 3,7% par rapport au budget 2014.
En somme 2014, dernière année transitoire, devrait aboutir à un taux de croissance entre 2,4 et 2,7%, et laissera un sentiment mitigé chez de nombreux tunisiens avec toutefois l’espoir que l’arrivée d’une classe dirigeante stable sur 5 ans, rétablisse la vision à moyen terme et replace l’économie au centre des débats. Nidaa Tounes, vainqueur aux législatives devrait se pencher sous peu sur la composition d’un gouvernement et fixer sans tarder ses axes de travail.
De l’avis de tous, les réformes à entreprendre seront pénibles mais indispensables pour sortir le pays du cycle de croissance faible ; beaucoup d’observateurs et d’institutions prévoient une éclaircie en 2015, dont le FMI, qui s’attend à un taux de croissance de plus de 3%. La baisse du prix du pétrole, même en partie épongée par l’appréciation attendue du dollar, devrait soulager le budget de l’Etat, établi sur la base d’un baril à 97 dollars. A cela s’ajoute une exceptionnelle récolte d’huile d’olive (qui représente 10% des exportations tunisiennes), estimée à 280.000 tonnes en 2014 contre 70.000 en 2013, alors que les oléiculteurs du sud de l’Europe ont subi une forte baisse de leurs productions, allant du tiers en Italie à 57% en Grèce.
Les principaux indicateurs économiques du pays (2013) :
PIB : 76 351 MD
Dette intérieure : 15.024,0 MD
Dettes extérieure : 19.978,2 MD
Déficit budgétaire : 4.782,5 MD, soit 6,2 du PIB
Taux de chômage : 15,7%
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