A la date du 18 septembre 2007 prévue pour la remise des offres en vue de la privatisation de la Banque Franco Tunisienne (BFT), filiale de la STB , aucune offre n’aurait été remise. Cette date était initialement fixée au 21 juillet et a été repoussée au 18 septembre en vue de répondre aux questions des candidats.
Toutefois, et bien qu’il y’a eu réponse de la part des instances en charge de la privatisation de la BFT, il n’y aurait pas eu d’offres de reprise.
La première véritable raison, selon des sources très proches du dossier, est le refus du cédant (L’Etat à travers la STB ) d'offirr des garanties aux acquéreurs potentiels contre les éventuelles répercussions des litiges en cours opposant la BFT et l’ABCI qui perdurent depuis 1987.
La seconde raison a trait à la garantie du portefeuille de la BFT : déjà dans le rapport sur les états financiers de l’exercice 2006 de la BFT, les deux commissaires aux comptes Mourad Guellaty (Cabinet Guellaty) et Chérif Ben Zina (CMC-DFK International) ont relevé une insuffisance de provisions au regard de la réglementation bancaire tunisienne.
Dans leur rapport, ils y ont relevé d’autres défaillances. On y lit notamment :
« .. Jusqu’à l’émission de ce rapport, nous n’avons pas reçu des avocats de la banque, de réponses à nos demandes d’informations sur les litiges en cours et les risques financiers.
- Les provisions constituées par la banque au 31 décembre 2006 s'élèvent à 13 596 mille dinars alors que le niveau des provisions requises conformément aux règles de division, couverture des risques et suivi des engagements telles que définies par la « Banque Centrale de Tunisie » s'élève à 60 599 mille dinars. Il en résulte une insuffisance de provisions au 31 décembre 2006 de 47 003 mille dinars contre 25 258 mille dinars au 31 décembre 2005. Cette augmentation de l’insuffisance de provision en 2006 pour un montant 21 745 mille dinars provient principalement du risque estimé sur les engagements dans le secteur oléicole à hauteur de 9 766 mille dinars.
(..)Dans le cadre du litige qu’oppose la « BFT » à l’ « ABCI », nous vous informons que le 23 juillet 1987, une sentence arbitrale a été rendue par la Chambre de Commerce Internationale revêtue de l’exequatur en France par jugement du 03 septembre 1987, condamnant la « BFT » à payer à l’ « ABCI » la somme de 3,2 millions de USD majorés éventuellement des intérêts au taux LIBOR jusqu’à parfait règlement. Cependant, il est à noter que suivant un accord transactionnel signé en date du 7 juin 1989 et non respecté par l’ « ABCI. », cette dernière renonce à poursuivre l’exécution, en Tunisie comme à l’étranger, de la sentence arbitrale du 23 juillet 1987. Il est actuellement impossible d’anticiper l’issue finale de cette affaire et de ce fait aucune provision pour risque n’a été constituée au niveau des états financiers. »
En outre, les commissaires aux comptes constatent que :
« 1/ Le capital social de la banque s'élève au 31 décembre 2006 à 5 000 mille dinars et se situe, ainsi, en dessous du capital minimum requis, à cette date, pour les banques soit 10 000 mille dinars conformément à l'article 13 de la Loi n° 2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit. Cependant, et selon les dispositions de la Loi n° 2006-19 portant modification de la Loi n° 2001-65, à partir du 2 mai 2007, le capital minimum requis pour les banques s’établit à 25 000 mille dinars.
2/ Les fonds propres nets de la banque tels que définis par la circulaire de la « Banque Centrale de Tunisie » n° 91-24 du 17 décembre 1991, sont négatifs de 40 485 mille dinars et présentent, ainsi, une insuffisance par rapport aux fonds propres minimaux réglementaires, au 31 décembre 2006, de 66 835 mille dinars.
3/ Nous avons également, dans le cadre de notre audit, procédé à l'examen des procédures de contrôle interne relatives au traitement de l'information comptable et à la préparation des états financiers. Nous signalons, conformément à ce qui est requis par l'article 3 de la Loi n° 94-117 du 14 novembre 1994 tel que modifié par la Loi n° 2005-96 du 18 octobre 2005, que nous avons décelé des insuffisances au niveau du système de contrôle interne de la banque. Ces insuffisances, telles que développées dans notre rapport d’évaluation du système de contrôle interne et notre rapport sur l’évaluation des risques, résultent principalement d’une inadéquation des procédures de contrôle interne, du système d’information et de sécurités informatiques.
4/ D’autre part et en application des dispositions de l’article 19 du Décret n° 2001-2728 du 20 novembre 2001, et dans l’attente de la signature du « cahier des charges relatif à la tenue-conservation des comptes en valeurs mobilières », la « Banque Franco-Tunisienne » assure actuellement le suivi de la liste des actionnaires sur la base des informations reçues se rapportant aux transactions sur le capital. «
Il est à signaler, également, que l’ABCI , en litige avec l’Etat tunisien à propos de la BFT, a envoyé le 20 juin 2007 un courrier à toutes les parties prenantes dans ce dossier de privatisation et notamment les candidats déclarés (Dubai Holding, Kipco, Global Investment House, Audi, BMCE, LAFICO, BGFI, Slavia Capital Group, SFBT, Groupe Elloumi entre autres destinataires).
Dans ce courrier d’une douzaine de pages dont une copie a été envoyée au président Ben Ali, l’ABCI revendique 50% des actions et 53,36% des droits de vote de la BFT, met en garde les candidats en lice et les menace d’un éventuel recours contre eux s’ils arrivaient à contrôler la banque.
En l’absence d’un engagement clair de la part de l’Etat tunisien sur ces litiges et sur l’insuffisance de l’effort de provisions, il ne faudrait pas s’étonner si aucun candidat ne présente une offre pour le rachat de la BFT. Les autres défaillances relevées dans les états financiers de la banque ne sont pas de nature à rassurer des acquéreurs potentiels. Dans ces conditions, même le fait d’hériter d'un agrément bancaire n’est plus un argument suffisant pour attirer des éventuels repreneurs.
Ceux d’entre eux qui souhaiteraient s’implanter en Tunisie chercheraient à prendre le contrôle de la Banque Tuniso-Koweitienne (BTK) en cours de privatisation (ils sont cinq sur la shortlist), à cibler des banques privées où la présence stratégique étrangère n’est pas prépondérante (BIAT et surtout Amen Bank) ou à solliciter un agrément pour monter des banques de toutes pièces, ce qui ne semble pas être la priorité des pouvoirs publics pour le moment.
Naoufel Ben Rayana
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