Un nouveau relèvement des taux d'intérêt de la Banque
centrale européenne la semaine prochaine est presque acquis après les
déclarations de plusieurs de ses responsables soulignant le potentiel
d'accélération de la croissance et le niveau toujours élevé des risques
inflationnistes, montre une enquête de Reuters.
Les propos tenus lundi par le président de la BCE
Jean-Claude Trichet au Parlement européen, soulignant qu'il était raisonnable
d'anticiper une hausse de taux d'un quart de point le mois prochain ont encore
renforcé l'hypothèse d'une telle décision.
Les 65 économistes interrogés par Reuters entre le 20 et le
22 février ont ainsi tous dit tabler sur une telle hausse le 2 mars, qui
porterait le taux de refinancement à 2,50%, après celle de même ampleur décidée
le 1er décembre, qui avait marqué le premier resserrement de la politique
monétaire de la BCE en cinq ans.
Les estimations médianes prédisent un taux de refinancement
à 2,75% d'ici la fin du deuxième trimestre et à 3% avant la fin de l'année; le
mois dernier, le pronostic médian pour la fin 2006 n'était que de 2,75%.
"Une hausse de 25 points de base à 2,5% en mars semble
désormais une conclusion acquise", note Rainer Guntermann, de DrKW à Francfort.
"Le refrain des dernières déclarations de dirigeants de la BCE et l'intervention
de Trichet au Parlement portait sur la montée des risques inflationnistes et sur
le fait que les anticipations d'évolution des taux d'intérêt à court terme était
raisonnable."
Deux membres du conseil des gouverneurs de la BCE, Nicholas
Garganas et Yves Mersch, ont souligné cette semaine que la banque centrale était
prête à agir pour combattre une accélération de l'inflation.
Pourtant, les économistes s'attendent à ce que la BCE s'en
tienne la semaine prochaine à sa prévision actuelle d'inflation, à savoir une
hausse de 2,1% des prix cette année, en dépit du léger relèvement attendu de sa
prévision de croissance, à 2,0%.
Certains économistes ont toutefois noté que le relèvement
des taux pourrait être repoussé à avril si l'indice Ifo du climat des affaires
en Allemagne, attendu jeudi, ou les indices d'activité dans l'industrie prévus
la semaine prochaine sont inférieurs aux attentes. Mais ils reconnaissent qu'un
tel risque est très limité.
UN TAUX A 3,5% FIN 2006 ?
Pour la fin 2006, les estimations des économistes pour le
taux refi s'échelonnent de 2,5% à 3,5%.
Huit experts sur 65 tablent sur un statu quo après la
hausse attendue en mars, 24 prévoient un taux à 2,75% en fin d'année, 26 à 3% et
sept à 3,25% ou 3,5%.
Les économistes avançant les estimations les plus élevées
sont aussi les plus optimistes pour la croissance et jugent que la politique de
la BCE resterait accommodante avec un taux de refinancement à 2,5% - l'inflation
est ressortie pour janvier à 2,4% - ce qui continuerait d'assurer une croissance
soutenue du crédit et des prix des actifs.
"La croissance du crédit est élevée et elle augmente, ce
qui pourrait plaider pour une politique clairement resserrée", estime Klaus
Baader, de Merrill Lynch à Londres, qui s'attend à un taux directeur de 3,5% en
fin d'année.
Baader relativise les chiffres décevants de la croissance
publiés ces derniers jours concernant le quatrième trimestre 2005 et s'attend à
une reprise de l'activité; il souligne notamment les bons chiffres de la
consommation des ménages français (+0,9% en janvier), qui montrent que
l'économie intérieure est loin de ralentir.
"Nous doutons très fortement de la possibilité que la
croissance soit inférieure à 2% et plus nous en apprenons sur les raisons du
ralentissement du quatrième trimestre, moins nous sommes inquiets", a-t-il
expliqué.
D'autres observateurs jugent cependant que la Banque
centrale devrait adopter une position plus prudente en raison de la faiblesse de
la reprise des Douze, de la possibilité d'un ralentissement de l'inflation et du
risque de ralentissement de l'économie américaine.
"Pour l'instant, la BCE pense que les taux sont trop bas et
qu'ils doivent être normalisés", a dit Peter Vanden Houte, d'ING à Bruxelles.
"Mais si l'économie américaine perd de son élan au second semestre alors que
l'euro s'apprécie, la marge de manoeuvre permettant un resserrement
supplémentaire de la politique monétaire dans la zone euro disparaîtra."
Le consensus donne une estimation d'inflation dans la zone
euro à 2,1% cette année et 2,0% en 2007, bien que certains économistes craignent
de voir la dépréciation de l'euro et la hausse des prix pétroliers soutenir les
prix.
Les économistes s'attendent parallèlement à voir la BCE
relever légèrement le milieu de sa fourchette de prévisions croissance du PIB à
2,0% pour 2006, contre 1,9% actuellement, et maintenir sa prévision 2007 à 1,9%.
Source : Reuters.