Le responsable notation des banques au Moyen Orient et Afrique chez Standard & Poor's, Mohamed Damak, s’est exprimé aujourd’hui sur les ondes de Radio Express Fm, a propos des deux rapports élaborés par l’agence consacrés au secteur bancaire tunisien, le premier traitant des perspectives à court terme face à la crise du COVID-19, le deuxième évoque les opportunités qui pourraient naitre de cette crise, les deux rapports ne constituent pas d’actions de notation.
Selon Mohamed Damak, le choc macroéconomique liée à la crise actuelle devrait représenter deux fois celui de 2011, année qui s’est soldée par une récession de 1,9%, alors que pour 2020, le FMI table sur une baisse du PTB de 4,3%, le gouverneur de la BCT, Marouane El Abassi parle quant à lui de -4%.
Dans un tel contexte, les banques connaitront une année très difficile, d’abord par la détérioration significative de la qualité des actifs, avec un taux de créances douteuses qui passera de 14% en 2019, à 19 voire 20% en 2021-2022, selon Damak. Standard & Poor’s s’attend une hausse du coût du risque pour atteindre 3,5% en 2022 contre 1,2% en 2019. Certaines banques pourraient être poussées à afficher des pertes si elles décident de constater un montant de provisions adéquat.
En tenant compte de son endettement et de l’espace fiscal actuel, l’Etat n’a pas les moyens de soutenir massivement les banques, certains groupes étrangers auxquels sont adossées des banques tunisiennes ont par d’ailleurs manifesté leur volonté de quitter la Tunisie.
L’une des solutions selon Mohamed Damak, serait de gérer la situation dans la durée, ce qui impliquera un relâchement des règles prudentielles pour permettre aux banques de provisionner de façon étaler dans le temps, la structure actuelle serait préservée mais le risque d’une rechute restera très important.
Pour Standard & Poor’s, la Tunisie pourrait aller dans un autre sens et profiter de ce passage pour déclencher un plan de réforme « ambitieux » du secteur, incluant par exemple la mise en place Bale III, des normes IFRS, ou encore la consolidation du système bancaire, par la diminution du nombre de banque au profit de banques plus solides, y compris pour les banques publiques. Le financement d’un tel plan pourrait s’inspirer de celui mené par l’Egypte, soutenu par la Banque Mondiale.
Mohamed Damak, a rappelé que, certes les actions entreprises ces dernières années par la BCT, aideront les banques dans ce contexte, mais le système bancaire tunisien reste moins solide que des systèmes bancaires comparables, à titre d’exemple, au niveau des exigences en fonds propres, nous sommes plus proches de Bale I que de bale III, a indiqué le responsable. Il n’y toujours pas eu de mesures de nature à sortir le risque de crédit des bilans des banques, constate Damak.
D’un autre coté, Mohamed Damak a souligné le soutien en termes de liquidité mis en place par la BCT, une des raisons pour lesquelles l’agence ne s’attend pas à une vague de défaut des banques tunisiennes, dont le profil de refinancement est qui plus est largement dominé par les sources locales, à hauteur de 84%. La proportion des ressources extérieures, qui représente 16% est dominée par les dépôts des non résidents et de quelques lignes de crédits multilatérales dont certaines bénéficient de garantie de l’Etat. Le système bancaire tunisien échappe ainsi à la dépendance envers la dette extérieure de marché. La BCT a clairement assuré sa volonté de poursuivre la couverture des besoins en refinancement, le volume actuel atteint 10 780 MD.
L’approche qu’adoptera le système bancaire face à cette crise, et la cadence de la reprise seront les éléments qui conditionneront la durée de cette crise. A noter que le FMI prévoit un retour de la croissance à 4,1% en 2021.