La commission des finances, relevant de l'ARP, a procédé le 27 octobre 2020, à l'audition du gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Marouane El Abassi. Cela a été pour lui l'occasion de revenir sur le bilan de la politique monétaire sur les trois dernières années.
El Abassi a ainsi rappelé, que le niveau de l'inflation a reculé à 5,8% en février 2020, après le pic de 7,7% atteint en juin 2018, ce qui a motivé ultérieurement deux abaissements du taux d'intérêt directeur, de 100 pbs en mars puis 50 pbs en septembre, pour revenir à 6,25%.
Parallèlement, le déficit de la balance commerciale a diminué de 11,2% à 8,5% du PIB entre 2018 et 2019, ce qui a contribué à un "ajustement" du taux de change et renforcé les réserves en devises, après les seuils critiques touchés en 2017 et 2018.
El Abassi a ensuite rappelé le contexte actuel, marqué par l'impact de la crise COVID-19 sur l'équilibre des finances publiques, et qui se traduit déjà par un déficit budgétaire de 13%, tel que figurant dans la loi de finance complémentaire pour 2020, avec une dette publique qui passerait de 74,6% en 2019 à 90% du PIB cette année.
L'effet de la crise sanitaire vient exacerber les déséquilibres structurels cumulés depuis plusieurs années, a insisté Marouane El Abassi, notamment avec une baisse des recettes fiscales de l'Etat, de 5652 MD par rapport aux prévisions du budget 2020.
Les interventions programmées en faveur du budget de l'Etat se sont multipliées malgré les gains enregistrés sur certaines dépenses, comme celles liées aux hydrocarbures, avec la baisse des cours du pétrole et l'appréciation du dinar face aux principales devises étrangères, notamment le dollar américain.
Parallèlement, les dépenses de fonctionnement du secteur public ont connu une révision à la hausse, avec une masse salariale qui atteint 19247 MD, ou 17% du PIB, soit un record inédit.
Dans ce contexte, la BCT avertit des éventuelles implications du scénario à la base de la loi de finance complémentaire, qui est selon El Abassi, de nature à favoriser une émission monétaire importante via la monétisation directe, sans création de richesse et/ou un renforcement de la demande des consommateurs. Ceci menace, selon le gouverneur de la BCT, de renforcer les déséquilibres dans la balance des paiements, et les pressions sur les réserves de devises, qui pourraient conduire à un nouveau glissement du dinar et à une hausse de l'inflation importée. Ceci pourrait contraindre la BCT à procéder à un nouveau durcissement, via le rehaussement de son taux d’intérêt directeur.
En conséquence, le risque pèse aussi sur la crédibilité de la BCT en tant que garante de la stabilité des prix, et de ses marges de manœuvre en ce qui concerne les anticipations inflationnistes. La BCT s'inquiète de la perception chez les investisseurs, institutions financières et agences de notation, quant à la capacité de la Tunisie à maitriser son déséquilibre budgétaire, et d'un durcissement des conditions de financement sur les marchés internationaux.
En définitive, les orientations du gouvernement pour l'élaboration de la loi de finance complémentaire 2020, comportent selon la BCT, des dangers inflationnistes importants, de nature à défavoriser la croissance, impacter le pouvoir d'achat, l'épargne et l'investissement.
En conclusion, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, a invité le gouvernement à réviser ses dispositions, à travers le report de certaines dépenses « non nécessaires », et rappelle que le recours au financement monétaire du budget de l'Etat doit se faire exclusivement via le marché secondaire ; une monétisation directe devra se faire via une approbation par l'ARP, avec un engagement de l'Etat de procéder à des réformes structurelles pour rééquilibrer les finances publiques. Un tel recours, selon la loi, ne peut être que limité dans le temps (quelques mois) et ne peut dépasser 0,5% du PIB, voire 3% du PIB à la finalisation de certaines conditions sans dépasser les 12% des ressources propres du Trésor public.
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