Une démarche graduelle pour une économie compétitive :
Face au rouleau compresseur qu'est la mondialisation, la
convertibilité totale du dinar est une réalité qui s'impose à l'économie
tunisienne. Toutefois, elle comporte les dangers que sont la fuite des capitaux
et le souci de la spéculation.
La Tunisie a, dans ce sens, adopté une démarche graduelle
ayant permis de garantir des préalables à ce passage, note M. Ahmed El Karm,
vice-président, directeur général d'Amen
Bank, hier à Tunis, lors du séminaire annuel de la banque portant sur
«L'entreprise et la convertibilité totale».
Un processus qui représente «la manifestation ultime que la
libéralisation est réelle». Car la convertibilité est le signe de l'efficacité
de la libéralisation économique.
Et l'économie tunisienne a tout à gagner : l'exportation
est le moteur de la croissance et un dinar convertible permet de doter les
exportateurs tunisiens des mêmes «armes» pour conquérir des marchés. Quant à
l'attractivité des IDE, concevoir des mesures contre le risque de change est un
atout de taille pour le site Tunisie.
Ainsi, pour consolider ce processus, note M. El Karm, deux
conditions demeurent nécessaires : d'abord, garantir la capacité de cotation du
dinar tunisien sur les grandes places internationales, en termes de taux de
change avec une «cotation annoncée et assumée». Ensuite, supprimer le contrôle
de change et «laisser place à l'arbitrage».
Par ailleurs, miser sur les marchés de capitaux demeure la
solution préconisée par M. Houssein Mouelhi, directeur général adjoint d'Amen
Bank. Le marché monétaire - où se croisent l'offre et la demande de
trésorerie à court et moyen terme - joue un rôle capital: c'est la courroie de
transmission entre les marchés boursiers, des bons du Trésor, du crédit et des
changes, estime-t-il.
Le marché financier devrait, quant à lui, offrir de bons
rendements pour le financement des besoins des opérations économiques et
financières. Cependant, observe-t-il, la contribution de la Bourse - marquée par
«une forte concentration sur les valeurs financières» - est insuffisante.
Une législation avant-gardiste
Mais, l'économie tunisienne a des atouts indéniables,
notamment «une législation traduisant la volonté d'aller vers la convertibilité
totale», estime M. Habib Essafi, directeur des capitaux à la direction générale
des transferts et du commerce extérieur à la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Dans ce sens, indique-t-il, «le programme exécutif de
libéralisation financière extérieure», est un outil «qui sonne le glas de la
réglementation de change en Tunisie».
«Le parachèvement de la libération du compte courant» est
le premier des quatre principaux axes de ce programme. Cette action permet aux
entreprises de bénéficier de la facilitation des règlements liés à la production
et de l'amélioration du dispositif d'allocations pour voyages d'affaires (AVA).
Quant à «la progression dans la libération du compte
capital», elle vise «l'amélioration du climat d'investissement en Tunisie» avec
notamment la suppression de l'autorisation de change pour plusieurs opérations.
«L'amélioration et le renforcement du dispositif des
comptes de résidents» est le 3e axe. Il permet, notamment, la création de
nouveaux types de comptes («prestataires de services», «allocation touristique»
et «spéciaux n°2»). Il inclut aussi la suppression de l'autorisation pour
l'ouverture par les entreprises titulaires de marchés à l'étranger de comptes en
monnaie locale.
«La révision de la législation de change» donne la
possibilité «de consacrer la liberté comme principe et de l'autorisation comme
exception».
Garantir l'équilibre de la balance de paiement
Les sept boucliers de l'économie tunisienne
Il est évident qu'entamer un processus de convertibilité ne
peut se faire sans risques. Des préalables demeurent nécessaires pour prévenir
toute mauvaise surprise. Quid de la Tunisie? Les participants rappellent que
depuis 2000, la dépréciation du dinar par rapport à l'euro est de 38%.
Toutefois, pour M. Ahmed El Karm, la convertibilité totale du dinar serait
préjudiciable si les glissements n'ont pas eu lieu. Dès lors que la Tunisie a
vécu pareille situation, il faut aller de l'avant dans ce processus.
Et de rassurer : «L'économie tunisienne affronte la
convertibilité totale du dinar avec sept boucliers qu'elle a su développer».
Dans ce sens, les fondamentaux «solides» - entre autres une
croissance économique maintenue, une compétitivité développée, une inflation
maîtrisée et une dette de l'Etat réduite - demeurent les atouts de l'économie
tunisienne.
Une politique monétaire «crédible» avec une Banque centrale
de Tunisie qui œuvre à lutter contre le risque d'inflation et la régulation du
taux de change.
M. El Karm cite, également, un taux de change réaliste.
Ainsi, il n'y aura pas de période de flottement entre taux réel et taux
prévisionnel. Cette situation «conjoncturelle» peut aussi être prévenue par des
avoirs en devises qui permettent de lever les capitaux si spéculation il y a.
Parallèlement, la réussite des banques tunisiennes dans le
maintien du taux de change est «un atout positif pour la bonne gouvernance du
taux de devise».
Par ailleurs, l'accord d'association Tunisie-Union
européenne (visant la création d'une zone de libre-échange) permet à l'économie
nationale de s'adosser à un allié de taille et une monnaie forte, l'euro. Mieux,
l'annonce de cette collaboration est à même de «calmer toute envie de
spéculation».
Et à M. El Karm d'appeler à «démystifier» le contrôle de
change. La possibilité de le rétablir «momentanément et dans des conditions
particulières» est envisageable.
Zied MOUHLI
Télécharger la présentation : "Les
nouvelles mesures d’assouplissement du contrôle de change".