Kais Kriaa, Directeur Général d'Alphamena, est revenu ce matin sur l'étude réalisée par le cabinet d'analyse financière, et consacrée aux entreprises publiques tunisiennes cotées à la Bourse de Tunis, publiée la semaine passée. L'étude publiée exclusivement sur tustex, et qui passe en revue l'état de santé et l'évolution sur les cinq dernières années des sociétés détenues directement et indirectement par l'Etat tunisien et cotées sur la BVMT, est intitulée "quand le zombie mange sa propre chair", un titre que Kais Kriaa a tenu à clarifier avant de commenter l'étude proprement dite. Il s'agit en fait d'une référence utilisée la première fois par Edward Kane dans les années 80, d'abord spécifique aux banques qui manquent de fonds propres mais continuent à accorder des crédits, puis généralisées aux sociétés qui ont structurellement besoin de plan de sauvetage et de recapitalisation pour poursuivre leurs activités et maintenues en vie essentiellement pour des raisons politiques, car dans la majorité des cas détenues par l'Etat, explique Kriaa sur Express Fm.
En tout, 15 sociétés constituant le portefeuille de l’Etat tunisien à la Bourse de Tunis, parmi lesquelles Carthage Cement, détenue indirectement par Alkarama Holding, et SIPHAT, un des rares laboratoires pharmaceutiques dans le monde à afficher un EBITDA négatif, commente le Directeur…Il s’agit de sociétés où la décision revient directement où indirectement à l’Etat et qui dont la situation est globalement problématique, même si certaines sont rentables. Le poids de ses sociétés dans la capitalisation boursière à la BVMT est passée de 28% en 2008 à 17,5% de nos jours, précise Kriaa, une baisse qui traduit une destruction de valeur, estimée rien que pour les banques à 300 MD sur les cinq dernières années, dont 180 MD sur les participations de l’Etat. Les sociétés en question verront leur part dans les revenus générés par l’ensemble des sociétés cotées descendre à 25% contre 33% en 2010. Alphamena table sur des pertes combinées de 34 MD en 2015 pour les sociétés étudiées, le portefeuille de l'Etat redeviendra globalement bénéficiaire en 2016 mais toutefois en deçà des bénéfices générés en 2009 et 2010 (174 MD) une rentabilité déjà médiocre à l’époque précise Kais Kriaa, ce qui pèsera sur les caisses de l'Etat et sur les portefeuilles des minoritaires.
Les dirigeants et différents gouvernements en place ont beau calmer les foules à court terme en recrutant à tour de bras, ils accélèrent toutefois la destruction de valeurs, et risquent de mettre l'Etat dans l'impossibilité de sauver certaines entreprises à moyen terme, explique le DG d’Alphamena. A ce titre, Kais Kriaa reprend l’exemple de Tunisair, qui au lendemain de la révolution a procédé à l’intégration du personnel de Tunisair Catering, Tunisair Handling, Tunisair Technics et Tunisair Express, accentuant le sureffectif que la compagnie continue de trainer jusqu’à date, et qui contribue à amplifier ses difficultés malgré un contexte exceptionnellement favorable, vu notamment le niveau actuel des cours du pétrole. Kais Kriaa a tenu à préciser que les critiques d’Alphamena sur ce volet visent le système de gouvernance des entreprises publiques et non les personnes en particuliers.
Dans ce contexte, un alignement des sociétés publiques cotées sur la moyenne du secteur privé, en terme notamment de ratio charge de personnel/chiffre d’affaires, nécessiterait le licenciement de 8000 employés selon les calculs d'Alphamena, ce n'est évidemment pas réalisable indique Kriaa, mais il faudra néanmoins que les autorités prennent conscience du surreffectif et de son impact pour au moins geler les futurs recrutements, voire de redéployer les employés en cas de besoin. Pour Kriaa, il est inévitable que l'Etat se désengage de certains secteurs, se demandant ce que fait l'Etat avec une compagnie aérienne qui en plus perd de l'argent, et avec trois banques toujours sous-capitalisées malgré leurs recapitalisations. On ne résoudra pas les problèmes de gouvernance des banques publiques rien qu’en séparant les fonctions de DG et de président du conseil, ou en augmentant la rémunération des dirigeants, assure Kriaa, dans cinq ans ces banques pourraient vraisemblablement avoir besoin d’une nouvelle recapitalisation a-t-il ajouté. Il faut que l’Etat se fixe une orientation et révise sa stratégie envers ses entreprises, aucun partenaire technique n'accepterait d'entrer dans le capital d'une banque pour en fin de compte ne pas pouvoir décider, insiste Kriaa, qui rappelle le cas Tunisie Telecom et son impact sur la réputation de l'Etat tunisien.
Lire également : Les entreprises publiques tunisiennes : Quand le Zombie Mange sa Propre Chair (Par Alphamena)
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