Comme chaque année, c’est l’heure du bilan en ce 31 décembre 2020, dernier jour d'une année hors normes. Elle avait commencé fin 2019 par l’annonce de l'apparition d'un nouveau virus en Chine pour finir par changer le quotidien de tous les habitants de la planète, et mis les économies les plus puissantes à genoux, avec des récessions inédites depuis la seconde guerre mondiale. Les marchés financiers ont alors affiché des niveaux de volatilité rarement atteints, entre effondrements et rebonds spectaculaires. Un contexte d'autant plus compliqué pour la Tunisie, que le début d'année était naturellement incertain au lendemain d'une année électorale ; il aura fallu attendre fin février pour la formation d'un gouvernement, un mois plus tard commençait le confinement général, sonnant le début de la guerre sanitaire contre la COVID-19, et laissant une économie à bout de souffle. A l’heure actuelle, le nombre de cas confirmés dans le monde dépasse les 82,7 millions, avec plus de 1,8 millions de décès alors que la Tunisie compte environ 137 mille cas et déplore plus de 4600 décès.
En 2020, les experts de l’OCDE ont estimé la chute du PIB mondial à 4,2%, les pays européens qui absorbent l’essentiel des exportations tunisiennes ont été plus touchés que la moyenne planétaire, avec des contractions dépassant les 9% pour la France et l’Italie. La zone euro devrait connaitre une baisse de 7,8% de son économie en 2020 et il lui faudra 9 trimestres pour revenir au niveau de 2019, selon les analystes du groupe Rothschild. La Grande Bretagne est, quant à elle, plongée dans une période d’urgence économique, et s’attend à une contraction record de 11,3% cette année. Aux Etats Unis, la Réserve Fédérale a revu récemment ses prévisions pour 2020, et table désormais sur une baisse de 2,4% du PIB sur l’année. Pour illustrer l’ampleur de la crise, il convient, par exemple, d’examiner la situation du transport aérien, particulièrement ravagé. Le chiffre d'affaires des compagnies aériennes devrait chuter de plus de 60% en 2020, selon l'association internationale du transport aérien (IATA), avec des pertes abyssales estimées à 118,5 milliards de dollars contre 25,9 milliards de dollars de bénéfices nets en 2019.
En Tunisie, les prévisions tablent sur une contraction de 9,2%, selon le dernier rapport de la Banque Mondiale. Sur fond de crise sanitaire, l’environnement politique agité n’a pas manqué d’apporter son lot de complications, avec la chute du gouvernement Fakhfakh en septembre et la nomination de Hichem Mechichi à la tête d’un nouveau gouvernement. Tout au long de l’année, les mesures barrière ont paralysé des secteurs clés de l’économie du pays, principalement avec des fermetures d’usines un peu partout. Les recettes touristiques ont chuté de 64% jusqu’au milieu du mois de décembre. A cela, s’ajoutent les nombreux mouvements sociaux qui ont largement entravé la chaîne de la production-transport-expédition des phosphates tunisiens en 2020, privant le pays du redressement des prix mondiaux du phosphate brut et de ses dérivés (DAP et TSP).
A la fin du troisième trimestre 2020, le taux de chômage en Tunisie a atteint 16,2% contre 15,1% en 2019, à la même période. Le tableau de bord montre, toutefois, quelques points positifs, sur un an : les prix à la consommation augmentent de 4,9% en novembre 2020, après 5,4% le mois précédent, soit le plus faible taux enregistré depuis le mois de juin 2017. Parallèlement, les réserves de devises ont atteint un plus haut sur 10 ans, couvrant jusqu’à 160 jours d’importation, principalement en raison de la baisse des importations face à un repli moins prononcé des exportations, atténuées par une saison oléicole et des ventes d’huile d’olive record.
C’est dans ce contexte particulier qu’ont évolué les sociétés cotées à la Bourse de Tunis. Les indicateurs d’activité, sur les 9 premiers mois de l’année 2020, font ressortir un revenu global en baisse de 5% par rapport à la même période de l’année 2019, pour atteindre 12,2 milliards de dinars contre 12,9 milliards de dinars. 32% des sociétés qui ont publié leurs indicateurs, soit 25 sur 77, ont amélioré leurs revenus cumulés par rapport à la même période de l’année précédente. Cette tendance baissière est moins acérée, si on compare seulement le troisième trimestre 2020 par rapport à la même période de l’année précédente, soit une baisse de 0,22%. Ce qui plaide pour une reprise de l’activité de quelques secteurs de la cote après une période de confinement très pesante sur l’activité.
Par conséquent, le Tunindex a aligné une deuxième baisse annuelle consécutive de 3,33%, après les progressions de 15,76% et 14,45% enregistrées en 2018 et 2017, et une perte de 2,06% en 2019, un moindre mal car l’indice principal de la BVMT était descendu loin sous les 7000 points au plus bas de sa courbe, à 6116,16 au mois de mars, perdant alors 14,12% depuis le début de l’année.
A contre courant, certaines valeurs ont réalisé des rendements très élevés en 2020. C'dst notamment le cas d'UADH, qui affiche la deuxième performance annuelle sur le marché, soit 194,68%, avec dans son sillage GIF Filter, en hausse de 124,59%. Le pôle automobile du groupe Loukil pourrait voir l'entrée d'un partenaire stratégique dans le capital d'une ou toutes les filiales d'UADH, avait annoncé Bassem Loukil. Un mandat d'exclusivité en vue d'une offre sur une prise de participation a d'ailleurs été signé avec "un groupe de grande renommée", a annoncé un communiqué de Loukil Investment Groupe en décembre. Le Mandat d’exclusivité stipule que la période d’exclusivité ne doit en aucun cas dépasser le 15 Février 2021.
L’autre performance notable est celle de Tawasol Group Holding, qui a gagné 180% en 2020, un mouvement que le groupe impute à la baisse « exagérée » subie par le titre durant les années précédentes.
La palme revient à SERVICOM, qui a bondit de 229,51%. Après les déboires des derniers exercices et un titre qui a touché le fond, le management groupe semble confiant pour l’avenir. SERVICOM prévoit un chiffre d’affaires consolidé de 11,7 MD en 2021, puis 13,7 MD en 2022 avant d'atteindre 17,4 MD à l’horizon 2024. La marge brute passera de 4,1 MD en 2021 à 4,5 MD l’année suivante, puis 5,1 MD en 2023 et 5,8 MD en 2024, selon le nouveau Business Plan présenté par Mourad Dimassi. Le groupe table sur un EBIT de 1,2 MD en 2021 et 2 MD à fin 2024. Le résultat net est attendu à 539 mille dinars en 2021, et devrait, selon les projections du groupe, suivre un TCAM de 39% pour atteindre 1,2 MD en 2024. Il s’agit là d’un Business Plan conservateur selon le management, car ne tenant pas compte des affaires encours avec l’Etat et le fonds GEM, pour laquelle le management s’attend à un dénouement favorable, et de certains grands projets sur lesquels le groupe est bien placé.
Carthage Cement parvient à son tour à prendre plus de 60% sur 2020, année qui marque le retour à l’équilibre après la réussite de l’opération de recapitalisation, qui a permis d’absorber près de 50% de l’endettement, autrefois fardeau majeur pour la société. La société pourrait passer sous la coupe d’un nouvel actionnaire majoritaire dès le mois de mars 2021, selon Adel Grar, après l’appel à manifestation d’intérêt pour la cession du bloc détenu par l’Etat qui a dégagé 5 candidats dont trois groupe déjà présents en Tunisie.
S'agissant des grandes capitalisations, SFBT parvient à clôturer l'année en territoire positif, avec une hausse de 23,25%. A l'opposée, Poulina Group Holding abandonne 18,40%, et les valeurs bancaires pointent pratiquement toutes vers le bas. BIAT perd 12,97%, BT 12,82%, BH 23,02% et Amen Bank 25,66%. BH et BNA font à peine mieux avec des pertes de 23,03 et 25,65%, Attijari Bank recule de 14,96% sur l'année.
La fin de l’année boursière a, par ailleurs, été marquée par la première introduction depuis plus de deux ans, celle d’Assurances Maghrebia, qui devient la 80ème société cotée sur le marché principal de la BVMT, après les sorties d’Hexabyte et Tunisie Valeurs. L’opération a été un franc succès : souscrite plus de 11 fois, elle vient enrichir la cote avec un cinquième représentant du secteur des Assurances.
Pour conclure, la nouvelle année commence dans un contexte mitigé. L’apparition d’une nouvelle souche du Coronavirus en Angleterre et en Afrique du Sud, a replongé le monde dans la panique et a poussé plusieurs pays à durcir de nouveau leurs mesures de protection. Toutefois, l’arrivée de plusieurs vaccins laisse entrevoir un début de reprise économique. L’OCDE a, d’ailleurs, estimé que l’économie mondiale se présentait désormais sous un jour meilleur. Les prévisions de l’organisation évoquent une croissance de 4,5 % du PIB mondial en 2021 et 3,5 % en 2022. Pour la Tunisie, la Banque Mondiale a revu, dernièrement, ses prévisions de croissance, attendue à 5,8% en 2021 avant de ralentir à environ 2% en 2022. Le pays traine encore des défaillances structurelles en attente de vraies réformes, et reste handicapé par un espace budgétaire limité et une position extérieure fragile avec notamment un endettement public qui dépasse, désormais, les 90% du PIB.
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