La bourse terminera vraisemblablement l’année 2017 avec un rendement de 14% mais encore une fois ça sera l’arbre qui cache la forêt. Cette performance est d’abord technique et concentrée essentiellement sur 5 valeurs phares du marché (PGH, BIAT, ATTIJARI, OTH, SAH) qui ont accaparé 80% du rendement de l’indice. Ensuite, elle découle également des imperfections du calcul de l’indice qui reposent sur des approximations très larges du flottant des sociétés cotées. Mais c’est surtout que ce rendement occulte largement les faiblesses de cette année et d’une manière générale les faiblesses structurelles qui sont innombrables :
1/ Effondrement de la liquidité avec des volumes qui se sont contractés à 6 Millions/jour soit 15% de moins par rapport à 2016, 30% de moins par rapport à 2015 et surtout 40% de moins par rapport à 2010 alors que la capitalisation boursière s’est appréciée dans l’intervalle de près de 50% et que le nombre de société cotées est passé de 56 a 81. Résultat de cela, la spectaculaire dégringolade du ratio de rotation (volumes traités/capitalisation boursière) qui a baissé à 6,4% soit environ le 1/3 de ce qu’il était en 2010.
2/ Corollaire de cette baisse de liquidité, le nombre de contrats s’est aussi inscrit à la baisse avec un peu plus que 300 000 contrats échangés contre plus de 400 000 une année auparavant. Ceci indique clairement qu’il y a de moins en moins d’épargnants qui investissent en Bourse. Il n’existe pas toujours pas de statistiques sur le nombre d’investisseurs en bourse sur le marché actions mais il est clair que la bourse a perdu plusieurs centaines de boursicoteurs ces dernières années.
3/ Au niveau de sa politique d’enrichissement de la Cote au cours des dernières années, la Bourse de Tunis a été un peu trop permissive au niveau de ses conditions d’admission et surtout d’un point de vue qualitatif. Le résultat quelques années plus tard est sans appel, beaucoup d’émetteurs admis à la Bourse surtout dans son compartiment alternatif ont plus que déçu et se sont avérés de sérieux camouflets. Trop fragiles financièrement, Business Models non viables, Business Plans déraisonnablement optimistes, Valorisations outrageusement gonflées, Gouvernance désastreuse,…..bref tout cela a concouru à un Flight to Quality, les investisseurs se détournant de ces petites valeurs et cherchant refuge dans les blue chips du marché et donc très sévère correction des petites valeurs (baisse pouvant atteindre jusqu’à 60% sur un an).
4/ Une seule introduction en 2017 preuve qu’on s’est peut être rebiffé du cote de la BVMT en élevant son niveau d’exigence et que de l’autre côté les candidats à la Bourse se sont désistés à cause du mauvais timing qui a certainement impacté les valorisations initiales les rendant moins généreuses que ce qu’elles l’étaient auparavant.
5/ Les taux sur le marché obligataire et monétaire dont la tendance haussière n’a fait que s’accélérer en 2017 ont été aussi un facteur important d’éviction pour les investissements boursiers. Obtenir un rendement d’environ 7% et plus sur des périodes courtes (6 mois/1an) est devenu courant sur le marché monétaire et donc est suffisamment attractif pour accroître encore plus l’aversion au risque boursier. Le BTA dont certaines souches proposent des taux actuariels à 8% et plus et dont l’offre est devenue quasiment infinie ont également fini par tarir les principales sources d’investissement boursier.
6/ Le creusement du déficit commercial et du déficit budgétaire, le déficit abyssal des Caisses de Sécurité Sociale et des entreprises publiques, l’assommante LF 2018, la fiscalité de plus en plus lourde sur les valeurs mobilières, le durcissement des lois anti-blanchiment, les atermoiements politiques, le soutien moins prononcé des institutions internationales, l’incurie de certaines de nos institutions gouvernementales….ont créé un climat anxiogène et de grande incertitude finalement peu propice à l’investissement boursier.
7/ Enfin également l’année 2017 reflète quelque part en aussi l’échec du secteur du Marché Financier à se hisser au niveau escompté faute de réformes qui n’ont jamais été mises en œuvre ou qui ont demandé 15 ans de réflexion avant leur adoption définitive (exemple de la courbe de taux), faute d’une réelle mise à niveau des opérateurs boursiers, faute d’une atomisation excessive du secteur, faute d’une promotion encore très insuffisante du marché, faute d’avoir insufflé une meilleure culture boursière dans la société tunisienne, faute d’une gouvernance adéquate des institution boursières et totalement approximative et tâtillone des émetteurs cotés mais aussi d’une sérieuse volonté politique de développer ce secteur encore considéré comme un simple levier financier d’appoint aux besoins financiers de l’Etat et des entreprises.
L’année boursière 2018 sera-t-elle meilleure ? Avec les données actuelles, cela ressemble à une gageure mais tout reste possible avec une accélération de la croissance économique car il s’agit là du principal moteur d’un marché. En attendant, en surmontant définitivement le déni de la réalité et en mettant sérieusement en place les réformes et mises a niveau tant attendues du secteur, il n’est pas exclu que le marché financier s’extirpe de la prophétie peu enviable du « Tant va l’eau à la cruche qu’elle finit par se casser ».
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