La société chimique Alkimia, a tenu le 30 mai son assemblée générale ordinaire, devant une assistance faible, pour statuer sur l’exercice 2018, qui s’est soldé avec près de 22 MD de pertes pour le spécialiste du Tripolyphosphate de Sodium, après un déficit de 13,6 MD en 2017.
L’année a été marquée par la faiblesse de la production, qui n’a couvert que 41% des objectifs prévus en début d’année, avec 51 710 tonnes, soit une production journalière moyenne de 158 tonnes/jour. La société a du, comme en 2015, déclarer de nouveau la force majeure, suite à l’arrêt forcé des unités de production de STTP, durant plus de 3 mois début 2018, en raison de la forte baisse des livraisons d’acide phosphorique brut provenant du CGT, lui-même confronté aux problème de livraison de phosphate dans un contexte social toujours très tendu dans le bassin minier.
Cette situation a provoqué l’absence d’Alkimia du marché international du STTP, ainsi que des variations importantes des prix de revient et de vente, qui ont touché à l’image et à la compétitivité de la société, surtout avec l’émergence de nouveaux fournisseurs sur la région, notamment russes et ukrainiens. Plusieurs acheteurs se sont ainsi détournés de Alkimia pour sécuriser l’approvisionnement de leurs unités, soit vers d’autres fournisseurs ou par la substitution du STTP par de nouveaux produits ; il s’agit d’ailleurs d’un phénomène grandissant , selon le management.
La société a ainsi perdu des débouchés très importants, comme l’Inde où sont concentrés les plus gros consommateurs mondiaux de STTP, et où Alkimia avait traditionnellement une part de marché de 60 000 tonnes. La rupture unilatérale du contrat par HUL (Unilever Inde) portant sur 15 000 tonnes, a fortement impacté la position de la société sur le marché indien. Même constat au Pakistan où la société a perdu sa position au profit de producteurs chinois qui offrent des prix imbattables, dans un marché dominé par Colgate Palmolive.
Un autre grand marché, celui de l’Egypte, a fortement pesé sur l’activité de la société en 2018: les ventes sont descendues à 2911 tonnes contre 12812 tonnes en 2017, la non disponibilité du STTP a fait perdre des clients comme ARMA et Cleopatra qui a,par la suite, choisi de substituer le STTP par d’autres produits et travaille désormais à 100% sans phosphate. Seules quelques sociétés de céramique continuent à utiliser le STTP en Egypte dans un marché très concurrentiel. L’émergence des produits de substitution a également pénalisé Alkimia au Maroc après qu’un important fabricant de détergents ait switché vers des substituts au STTP, la société a pu maintenir difficilement ses livraisons vers deux autres clients, et note une baisse dans le carnet de commande en 2019.
D’autres clients comme les turcs Kaleseramik et Eurolab ont fortement diminué leurs commandes, le deuxième ayant d’ailleurs choisi la substitution à partir du second semestre 2018. Le marché turc est régi, depuis le 1er janvier 2019 par une nouvelle réglementation, qui interdit l’utilisation de STTP par les sociétés de détergence.
Malgré cette situation et les nouvelles conditions du marché, le management estime que le STTP a encore du potentiel sur les 5 prochaines années. La société a la chance d’être collée au GCT, pour une meilleure marge de manœuvre au nivaux de ses prix de revient; encore faut il que le CGT puisse fonctionner normalement avec la fin des tensions sociales.
Parallèlement, Alkimia tente de s’adapter à la nouvelle donne, en attaquant le marché des produits de substitution au STTP. Une enveloppe de 31 MD a été consacrée à la nouvelle usine de production de MAP cristallisé, un engrais soluble, qui devrait entrer en exploitation en fin d’année pour une production estimée à 25 000 tonnes annuellement.
Dans le même registre, et avec le concours du GCT, Alkimia se prépare pour entamer la production de MCP, ce qui lui permettra de reconvertir une unité de STTP lorsque cette dernière sera à l’arrêt.
La société a également racheté une société spécialisée dans la fabrication de microbilles de verre, utilisées dans le balisage des route; l’usine actuellement à l’arrêt devrait redémarrer après la livraison de deux fours d’ici la fin de 2019.