A une époque où les distributeurs étrangers s’implantent sur le marché et où les autorités mettent en place des mesures de soutien visant à faciliter la croissance du secteur, les chaînes de supermarché et d’hypermarché ont le vent en poupe. Le chiffre d’affaire annuel des quatre principaux acteurs de la grande distribution s’élève à 800 millions de dinars (606 millions de dollars), ce qui représente à peine 2% du PNB, au lieu des 23% enregistrés en moyenne en Europe. Le segment de marché occupé par la grande distribution reste faible par rapport à l’ensemble du secteur de la distribution, de l’ordre de 12 à 15%. Les boutiques, les épiceries ainsi que les marchés s’accaparent le plus gros des ventes, tout particulièrement en zone rurale. Une majorité de tunisiens persiste à faire ses achats quotidiens à l’ancienne. En effet, la proximité et les bas prix sont les plus sûrs atouts des petits commerces par rapport aux grandes surfaces.
Néanmoins, si les chiffres restent modestes, les signes sont prometteurs. Actuellement, le secteur de la grande distribution est en plein essor, avec une croissance annuelle estimée à 15% ces quatre dernières années. Quatre géants de la distribution sont en tête du secteur et à l’origine de l’ouverture des touts premiers hypermarchés en Tunisie.
Le concept de la distribution à l’occidentale et les enseignes internationales envahissent progressivement le pays. Mabrouk, qui possède 37 magasins sous la marque Monoprix et qui est actionnaire de Géant (un hypermarché français inauguré en 2005), s’impose comme le plus gros distributeur du pays avec 36% du marché de la grande distribution. Chaibi arrive en seconde position avec 31% du marché. Le groupe a récemment racheté les 42 magasins Bonprix, et il est actionnaire de deux supermarchés Champion ainsi que de Carrefour. Loin derrière, en troisième position, Magasin Général, malgré ses 45 points de vente à travers le pays, détient une part de marché de 20%. Enfin, le groupe de cash & carry Promogro, qui pourvoit essentiellement aux besoins des restaurateurs et des hôteliers, compte dé jà cinq magasins, prévoit l’inauguration de deux nouveaux points de vente, et détient une part de marché de 13%.
Malgré tout, le secteur a une belle marge de progression et est appelé à se consolider en 2007. La privatisation imminente de Magasin Général, perçue comme inévitable étant donné les efforts promulgués par le gouvernement pour obéir aux exigences de l’organisation mondiale du commerce (OMC), va certainement attiser le jeu de la concurrence. Sans pour autant savoir qui se portera candidat à son rachat, il faut souligner l’attrait que présente Magasin Général pour quiconque envisagerait de s’implanter sur le marché tunisien. Le 16 novembre, c’est la Banque d’Affaires Tunisienne qui a été chargée de conduire le processus de privatisation.
De plus, le gouvernement s’apprête à se débarrasser d’un des plus lourds fardeaux juridiques infligés au secteur. Jusqu’alors interdit par la loi, les distributeurs pourront désormais se franchiser. Un amendement portant sur le cahier des charges des franchises devrait être adopté au cours du premier semestre 2007, ce qui permettra l’ouverture de nouveaux points de vente à moindre frais. Se fiant à l’évolution du secteur de l’habillement, les analystes estiment que la réforme aura des retombées positives pour le secteur de la distribution.
Néanmoins, malgré cette mini révolution, plusieurs facteurs concourent à amortir l’envolée de la grande distribution. Le cadre législatif du secteur est relativement contraignant puisque les distributeurs doivent se soumettre à des règles bien strictes: la superficie des magasins ne peut dépasser 1500 mètres carré sans l’accord préalable du gouvernement, et les grandes surfaces doivent être situées à 5 kilomètres à l’extérieur des villes (bien qu’en pratique, une distance de 2km est acceptée). Cette loi vise à protéger entre 180,000 et 200,000 petits commerçants et épiciers du pays, qui sont considérés par le gouvernement comme jouant un rôle déterminant dans le maintien du tissu social, et en tant que véritable vivier d’emplois. Les dirigeants industriels estiment que la coexistence est possible à partir du moment où les commerçants prendront les mesures nécessaires pour s’adapter et se moderniser.
Ce sujet compte parmi les débats politiques et économiques les plus importants aujourd’hui en Tunisie. Interviewé par OBG, Moncef M’Barek, directeur général de Promogro et ancien président de la Chambre Syndicale des Distributeurs a détaillé le plan proposé comme « une initiative financée et animée par le secteur visant à financer la modernisation des petites boutiques. Les négociants indépendants doivent adopter les points de vente informatisés, les réfrigérateurs, les balances électroniques et les lecteurs de code-barres. S’organiser en Groupements d'Intérêt Economique leur permettra également de créer des centrales d'achat communes, se partager les coûts de transport et de distribution, et de mieux négocier leurs emprunts bancaires ».
OBG