Lors de son Assemblée Générale Ordinaire tenue le 08 juillet à l’usine de Djebel Erssas, les responsables de Carthage Cement, ont tenu à présenter les réalisations de la société et ses perspectives futures à travers un nouveau Business plan.
M Sanaa, nouveau directeur général depuis juillet 2014, a évoqué le contexte particulier de l’année passée ; En effet, Carthage Cement a commencé à commercialiser son ciment durant l’année 2014. Les ventes ont suivi un rythme croissant et la part de marché de Carthage Cement a atteint 10,89% en fin d’année. La société a adopté une politique de prix de pénétration assez agressive. A partir du mois de septembre, la société a élargi sa gamme de produis par la production et la commercialisation du ciment HRS sollicité par le marché. Depuis, la société n’a pas cessé d’améliorer son positionnement sur le marché cimentier malgré une forte rivalité et des pratiques parfois anticoncurrentielles.
Sur le plan sectoriel, le marché a connu une décroissance des volumes de production en raison de la conjoncture économique difficile de la Tunisie et les problèmes rencontrés sur le marché libyen. A l’image de la plupart des entreprises industrielles, Carthage Cement a connu des arrêts de production à cause des revendications sociales faisant interrompre les livraisons pendant un mois.
Il est à signaler la double performance remarquable sur le plan de la production et commercial de la compagnie pour sa première année d’activité. L’exploitation et la maintenance de la nouvelle usine est assurée par le danois NLS, filiale du groupe FLSmidth. Ce contrat de sous-traitance a pu éviter à Carthage Cement des désagréments techniques. La société se fait assister par un bureau technique suisse PEG pour contrôler les installations et leur mise en marché d’une façon optimale. Pour sa première année, la production annuelle a atteint 1,346 millions de Tonnes (MT) de clinker et 1,022 MT de ciment. Les ventes de ciment ont connu une forte évolution durant les cinq premiers mois. Le second semestre a été très difficile à cause du retournement de la conjoncture et la libération des prix suite à la levée de la subvention de l’Etat au titre de la compensation de l’énergie. Sur le plan commercial, Carthage Cement a vendu pour 133,937 MD de ciment contre 11,948 MD en 2013.
Sur l’export, la compagnie a réussi une percée sur le marché algérien grâce à la qualité de son produit et la rapidité de ses livraisons. CC a pu écouler 216 819 Tonnes soit une part de marché de 17%, profitant de la libéralisation des quotas à l’exportation. La réputation de l’usine de Carthage Cement a dépassé les frontières, constatent avec fierté ses dirigeants. Le constructeur, FLSmidth, la présente comme une référence pour ses nouveaux clients. Le temps de chargement d’un camion est abaissé à 17 minutes, un record pour le secteur, précise le Directeur Général. L’activité agrégats de Carthage Cement a connu, néanmoins, un repli de 16% passant de 2,006 MT à 1,689 MT. Cette baisse s’explique par l’absence des marchés de travaux publics d’infrastructure et les besoins croissants de l’usine de ciment en matières premières acheminées de la carrière. Cette activité reste toutefois stratégique pour la compagnie, en raison de sa contribution dans le RBE et le résultat net (seule activité bénéficiaire en 2014). Le Chiffre d'affaires total ressort ainsi en forte hausse de 248% par rapport à 2013 passant de 48,7 MD à 169,4 MD.
Le taux de RBE a baissé de 30% à 21% sous le poids notamment de la facture énergétique qui a totalisé 50 MD en 2014 et le positionnement agressif des prix. En absolu, le RBE a évolué de 83% à 41 MD. Le démarrage de l’usine n’a pas permis d’optimiser le mix énergie d’une façon convenable. Les charges financières ont-elles aussi pesé sur le résultat final qui ressort déficitaire à -55,6 MD contre -26,25 MD en 2013. Au vu de ses résultats qui contredisent les prévisions initiales présentées par l’ancien management, la compagnie s’est attelée à réviser ses hypothèses d’exploitation compte tenu tant de ses performances commerciales que des ajustements que peuvent subir certaines charges d’exploitation dans le cadre d’un programme d’optimisation et de restructuration financière. La banque a fait face à des imprévus comme la constatation de certaines provisions sur créances ou pour risque fiscal. La bonne nouvelle qui ressort de l’Assemblée Générale, est que Carthage Cement vient de trouver un accord avec son pool bancaire pour restructurer sa dette, portant sur un montant de 466 MD. Cet accord aura pour effet d’alléger la trésorerie et diminuer le poids des annuités futures. Il faut noter qu’en 2014, l’exercice a connu une hausse des intérêts sur emprunts bancaires de l’ordre de 22,9 MD, dont 3,247 MD de pénalités de retard. Le CAC explique cette évolution par le fait que les intérêts étaient autrefois capitalisés dans le bilan tant que l’usine n’est pas encore entrée en activité. Le nouveau Business Plan de la société prévoit un Chiffre d'Affaires en 2015 de 223 MD, puis 284,4 MD en 2016 pour croitre jusqu’à 381 MD en 2019. Le RBE évoluera à 67,6 MD en 2015, puis 102,2 MD en 2016 et 155 MD en 2019. La société retrouvera l’équilibre en 2016, avec un résultat attendu à 3,144 MD puis 66,3 MD en 2019. Pour étayer la base de ses nouvelles prévisions, le management a présenté les chiffres au 30 juin 2015. Carthage Cement semble continuer sur sa lancée avec un peu moins de vigueur à l’image de tout le secteur. Elle arrive à vendre sur le marché local prés de 574 mille Tonnes pour une part de marché en hausse à 15,38% et 126 mille tonnes sur le marché export (PM de 13,5%).
Tous produits confondus, Carthage Cement a vendu pour prés de 700 mille Tonnes soit une évolution de 18% au 30 06 2015 par rapport à la même période de 2014. A la lumière de ces évolutions, le DG a affirmé avoir opté pour une vision prudente dans la construction du nouveau Business Plan. La croissance sectorielle reste très volatile pour le marché local. Carthage Cement a su s’imposer dans le Grand Tunis qui occupe la première place en termes de production et consommation nationale de ciment, soit respectivement 50% et 30%. Cela n’a pas empêché CC de vendre sur les grandes villes du Sud. Le taux de valeur ajoutée de Carthage Cement a connu une nette amélioration passant de 32% à 43% entre juin 2014 et juin 2015. L’optimisation énergétique commence à porter ses fruits. La compagnie a relevé l’utilisation du pet coke à plus de 90% dans sa consommation énergétique. Ce matériau coûte le 1/3 des énergies conventionnelles vendues par la STEG.
Sur le plan institutionnel, la société acquiert un poids stratégique important dans le secteur. M Radhi Meddeb, président du conseil de Carthage Cement, a confirmé qu’il est en pourparlers avec plusieurs ministères pour trouver des solutions à plusieurs problèmes. Un quai et des chemins de fer reliant l’usine à ce quai sont à l’étude, pour trouver le plus court chemin, et faciliter l’approvisionnement des pays voisins. La société ne sera pas cédée par l’Etat avant au moins 2 ans, période nécessaire pour son redressement, a précisé M Meddeb.
L’outil de production de Carthage Cement ne pourrait être bradé à n’importe quel prix. Des propositions sont parvenues de la part de certains investisseurs étrangers mais elles ont été rejetées. La valeur intrinsèque de l’action CC vaut prés de 3 DT, selon M Meddeb. L’accord trouvé avec quatre banques créancières, offrant jusqu’à 2 ans de grâce pour des périodes de remboursement allongées à 10 ans, constitue la plus grande opération de restructuration financière en Tunisie. Elle était vitale pour l’entreprise pour qu’elle puisse opérer sans pressions. La société est en train de trouver une solution à une créance de 18 MD avec Bina Trade moyennant une participation dans le capital de cette dernière. Des audits approfondis sont ordonnés pour examiner les circonstances dans lesquelles se sont faits les derniers recrutements. Il est à signaler que la cimenterie n’emploie que 172 employés contre un effectif de 481 dans la carrière. Sa capacité de recrutement est entamée, selon M Sanaa. Un plan de dégraissement n’est pas exclu pour préserver la viabilité de l’entreprise. La société pense à d’autres alternatives comme la création d’une usine de production de l’énergie à partir des déchets ménagers, et un autre pour les sacs en papier kraft. Deux projets qui coutent prés de 50 MD. Ces projets seront remis sur la table une fois les ressources d’autofinancement seront consolidées.
Enfin, constatant le dépit de certains actionnaires présents à l’AG, le DG de Carthage Cement a promis d’améliorer sa communication financière vis-à-vis du marché et d’avertir la communauté financière au moindre événement significatif. Fort de ses longues années d’expérience dans des postes de responsabilité chez Ciment de Bizerte, l’autre cimentier contrôlé par l’Etat Tunisien, le nouveau DG semble plus crédible que ses prédécesseurs.