Le processus de privatisation a connu une nouvelle phase de
ralentissement en Tunisie, non pas par manque de soutien du gouvernement au
programme mais en raison de son propre succès, l'État étant à court d'actifs à
vendre.
Le programme continue sur sa lancée, mais à un rythme moins
dynamique qu'auparavant. Le 12 janvier dernier, la Direction Générale de la
Privatisation (DGPV), l'autorité de régulation tunisienne, a communiqué sa
décision de procéder, sur la base d'un appel d'offres, à la cession des parts de
l'État qui s'élèvent à 76% du capital de Magasin Général, acteur public de la
grande distribution. La meilleure offre pour l'acquisition des 44 points de
vente de la chaîne bénéficiaire sera rendue public au troisième trimestre de
cette année.
Un appel d'offres a également été lancé à l'occasion de la
privatisation de la Société Anonyme de Constructions Electromécanique (SACEM),
fabricant public de transformateurs de distribution électriques et de
chauffe-eau électriques et solaires. Comme pour l'opération de cession de
Magasin Général, la Banque d'Affaires de Tunisie, qui est devenue un véritable
spécialiste en matière de privatisation, a été retenue comme conseiller exclusif
pour l'assistance à la réalisation de l'opération de cession de SACEM.
Une autre entreprise récemment candidate à la privatisation
est Nour El Ain Hotel, sous tutelle de la Société Touristique Ain Draham. Situé
dans le nord du pays, à proximité des montagnes et des réserves de chasse,
l'hôtel devrait susciter un intérêt certain d'ici à la clôture de la réception
des dossiers prévue mi-mars.
La Tunisie, qui a été convertie très tôt au processus de
privatisation dans la région, a lancé son premier programme en 1987, suite au
changement de politique suivi par le gouvernement après des années d'économie
centralisée. Le programme de privatisation se divise en trois phases
principales. La première phase couvre la période de 1987 à 1994, époque où un
certain nombre d'entreprises publiques peu rentables ont été vendues, dont une
grande majorité opérant dans les secteurs du tourisme, du commerce, de la pêche
et de l'agroalimentaire.
La deuxième phase, couvrant une période de 4 ans à partir
de 1994, a vu l'État mettre en oeuvre les procédures législatives nécessaires
pour faciliter la vente d'actifs plus rentables, procéder à des offres publiques
de vente et à l'octroi de concessions en bloc, prélude à une intensification du
programme de privatisation.
Depuis 1998, la privatisation porte essentiellement sur les
grandes entreprises publiques dans des domaines stratégiques aussi variés que
l'industrie lourde, les communications, l'énergie, les transports et le détail.
À ce jour, la Tunisie a véritablement réussi son processus
de privatisation, grâce à la vente de plus de 200 entreprises gouvernementales,
opérant dans trois catégories principales : les services, l'industrie et l'agriculture-peche,
avec notamment 45 privatisations dans le secteur du tourisme, un des secteurs
les plus dynamiques de l'économie tunisienne. En 20 ans, un total de 4,2
milliards de dollars ont été engrangés grâce aux privatisations.
Durant la période du 10ème plan quinquennal économique, qui
débuta en 2002, ce sont 47 entreprises publiques qui ont été partiellement ou
totalement vendues. En termes de chiffres, ces résultats n'ont été dépassés que
par le plan quinquennal précédent, au cours duquel 75 biens d'Etat sont passés à
la trappe. Ceci étant dit, pour ce qui est des revenus, 2006 a battu tous les
records, avec 2,37 milliards de dollars dans les coffres du gouvernement.
Un aspect intéressant du programme de privatisation en
Tunisie relève de l'intérêt qu'il suscite auprès des investisseurs étrangers.
Sur un total de 4,2 milliards de dollars encaissés à ce jour, 3,7 milliards
proviennent d'investissements étrangers.
Le succès de 2006 s'appuie sur la cession, en juillet
dernier, de 35% du capital de Tunisie Télécoms à Tecom Dig, filiale de Dubai
Holding. La vente, représente à elle seule 2,25 milliards de dollars, soit plus
de la moitié des recettes totales du programme et une grande partie des
investissements directs étrangers.
Un autre exploit est celui de la viabilité continue de la
grande majorité des entreprises privatisées. Selon des études menées par la DGPV,
la plupart des entreprises et des actifs qui ont été privatisés prospèrent, y
compris celles et ceux qui enregistraient des pertes et dont l'Etat s'était
séparé en début de programme.
Bien que le programme de privatisation en Tunisie n'ait pas
égalé celui des autres pays de la région en termes de recettes, le processus
s'est avéré stable et modéré, plutôt que caractérisé par une vente d'actifs tous
azimuts. Par ailleurs, selon des sondages publics, une majorité d'entreprises
aurait enregistré une plus-value et recruté plus de personnel depuis leur
privatisation, démontrant un bienfait économique continu au lieu de retombées
d'un seul coup. Pour l'Etat, son désengagement n'est pas nécessairement une
mauvaise chose.
OBG